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mercredi 30 janvier 2008

Chronique économique : Récession américaine et nouvel ordre économique mondial

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Le Quotidien d'Oran, 30 janvier 2008

Les statistiques se suivent et se ressemblent presque toutes: l’économie américaine est en route pour la récession, certains économistes affirmant même qu’elle y est déjà entrée depuis quelques mois. Un secteur immobilier malade, des ménages qui commencent à réduire leurs dépenses de consommation, des marchés financiers qui s’affolent: un tel cocktail ne pouvait que déclencher ce retournement de conjoncture qui, concrètement, se caractérise par une production de richesses moins importante.

Du coup, la sempiternelle question revient sur toutes les lèvres: puisque l’Amérique éternue, le reste du monde va-t-il s’enrhumer ? Quoi que l’on pense des Etats-Unis, la question est légitime car l’économie de ce pays, avec près de 14.000 milliards de dollars de Produit intérieur brut (PIB), est la première de la planète, devant celles du Japon, de la Chine et de l’Allemagne.En étant les clients du monde entier, qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Asie ou des pays d’Amérique latine, les Etats-Unis ont un effet d’entraînement considérable sur la machine économique globale. Que la demande américaine vienne à baisser et de nombreux pays subiront le choc en retour avec le risque d’entrer, eux aussi, en récession.

Mais, pour autant, la possibilité d’une contamination est âprement discutée. Sans nier l’importance de l’économie étasunienne, il existe des experts qui pensent que le monde peut s’adapter à sa faiblesse, voire à continuer à bien fonctionner sans dépendre d’elle. C’est la thèse du découplage. Elle n’est pas nouvelle et émerge à chaque fois que les Etats-Unis connaissent un trou d’air. Mais cette fois-ci, assurent ceux qui la défendent, l’environnement est totalement différent.

En 2001, date de la dernière récession américaine, les pays émergents tels que le Brésil, la Russie, l’Inde ou la Chine (les fameux BRIC, selon l’acronyme élaboré par Goldman Sachs pour suivre l’évolution de la mondialisation et des pays émergents) n’avaient pas atteint le niveau de développement qui les caractérise aujourd’hui. Et encore, il convient de rappeler que la récession américaine de 2001 n’a duré que deux trimestres, ce qui oblige à revenir à 1991 pour retrouver trace d’un repli durable de l’activité économique aux Etats-Unis. Un repli qui avait permis à Bill Clinton de remporter la présidentielle de 1992 face à Bush père grâce au fameux slogan «It’s the economy, stupid !».

En 1991, Internet en était à ses balbutiements, la Russie s’effondrait, la Chine reprenait discrètement sa place sur l’échiquier mondial après les massacres de Tian’anmen de 1989. Aujourd’hui, la situation est totalement différente. Les pays émergents commercent de plus en plus entre eux ou avec l’Europe. L’Allemagne, championne du monde des exportateurs avec 200 milliards de dollars d’excédent commercial en 2007, a autant de débouchés commerciaux en Asie que sur le Vieux Continent ou aux Etats-Unis. Bref, la théorie du découplage n’est pas farfelue, même s’il faut garder à l’esprit qu’une longue récession aux Etats-Unis aura des conséquences négatives sur toute la planète.

Mais si ce découplage se vérifie dans les prochains mois (à supposer que la récession américaine ait bien lieu, ce qui reste encore à prouver...), cela pourrait marquer l’émergence d’un nouvel ordre économique mondial et démontrer que le centre de gravité économique de la planète est en train de se déplacer vers l’Est. Peut-on dès lors affirmer, comme le fait l’hebdomadaire Newsweek, que « l’Amérique sera alors entrée en déclin » ? Peut-être pas, mais il faut d’ores et déjà scruter avec soin les statistiques et études comparatives. Et déjà, l’une d’elles mérite réflexion.

Selon le McKinsey Global Institute, un cercle de réflexion (think tank) dépendant de la firme de conseil, le total des actifs financiers est désormais plus important en Europe qu’aux Etats-Unis, ce qui n’était pas encore le cas en 2006, où les marchés américains détenaient 56.000 milliards de dollars contre 53.000 milliards pour leurs homologues européens, britanniques compris. C’est peut-être là le premier indice annonciateur de la perte de vitesse de l’Amérique par rapport à ses concurrents.

Akram Belkaïd

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