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vendredi 14 mars 2008

La chronique économique : le blues de l'industrie du disque

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 12 mars 2008

C’est un chiffre qui en dit long sur l’état calamiteux du marché de la musique. Aux Etats-Unis, 48 % des adolescents n’ont pas acheté le moindre CD musical en 2007 contre 38 % l’année précédente. Cela signifie qu’une grande majorité d’entre eux ont encore eu recours au téléchargement illégal sur internet. Ce phénomène n’est pas près de s’estomper et de nombreux experts estiment que nous en sommes à l’aube de bouleversements majeurs qui pourraient bien faire disparaître l’industrie du disque.

En effet, avec la montée en puissance de l’internet à haut débit et la progression incessante des capacités de stockage, il n’y a aucune raison pour qu’un CD légalement acheté ne se démultiplie pas en millions de copies pirates aux quatre coins de la planète.

Les dégâts du piratage sur internet

Un autre chiffre est encore plus parlant : il y aurait plus d’un milliard de titres téléchargés illégalement chaque mois dans le monde, soit l’équivalent de plusieurs dizaines de milliards de dollars de pertes financières pour les éditeurs de musique. Ces derniers accusent donc le coup et paient ainsi le prix de leurs erreurs.

La première, la plus ancienne, a été sans conteste l’arrogance de cette industrie qui continue encore d’imposer des produits à prix élevés, alors qu’une grande partie du public s’en détourne et cherche la gratuité même si elle passe par des moyens illégaux.

La seconde erreur réside dans le fait que les producteurs de musique ont longtemps négligé le piratage, estimant à tort qu’il n’était qu’une maladie infantile de l’internet. Lorsque les courbes de vente ont définitivement plongé et qu’il s’est avéré qu’un public de plus en plus jeune n’achetait plus de CD, il était déjà trop tard.

Enfin, la réaction brutale (plaintes pénales, harcèlement juridique,...) de l’industrie du disque contre les pirates, parfois de jeunes adolescents, a été contreproductive et a abouti à l’effet inverse avec des internautes qui, du jour au lendemain, sont devenus solidaires avec leurs pairs poursuivis pour avoir téléchargé de la musique de manière illégale.

Pour autant, et malgré le peu de sympathie que l’on peut éprouver vis-à-vis de la traditionnelle âpreté au gain des majors de la musique, il faut tout de même rappeler que le piratage est à l’origine de la destruction de plusieurs milliers d’emplois. Par sa faute, des auteurs ont tout simplement été lâchés par leurs maisons de disque qui ne les considéraient plus comme rentables.

Plus grave encore, il existe certains secteurs totalement sinistrés comme c’est le cas pour la musique classique. Le piratage mais aussi les compilations à bas prix, freinent le développement de cette branche particulière qui vit actuellement sur ses acquis et la masse conséquente de ses enregistrements passés. Mais cette profusion est trompeuse puisqu’elle cache une réalité inquiétante : il y a très peu de disques de musique classique de bonne qualité qui sont actuellement enregistrés et le déclin semble bel et bien entamé.

Une nouvelle stratégie

Les « majors » sont-elles condamnées ? Pas si sûr. Comme l’ont fait d’autres entreprises dans d’autres secteurs d’activité, elles s’adaptent en essayant de mettre au point de nouvelles stratégies. D’abord, elles ont décidé d’être plus ou moins tolérantes avec les jeunes pirates, en axant leur discours sur l’éthique et le respect du travail des artistes. Aux Etats-Unis, cela donne quelques résultats puisque les téléchargements légaux de musique sur internet ont progressé de 21 % en 2007 par rapport à l’année précédente.

Ensuite, l’industrie du disque est en train de se transformer en industrie du concert. Les artistes qui signent avec un label doivent le plus souvent s’engager à faire des tournées qui s’avèrent souvent très rentables au plan financier. Si un CD peut-être piraté, il faut débourser en moyenne 80 euros pour voir jouer un artiste en live. A terme, l’album de musique pourrait même devenir gratuit et ne constituer qu’un simple produit d’appel pour les concerts.

Akram Belkaïd

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