Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mercredi 26 juin 2013

Du Qatar et du persiflage à l'algérienne

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A lire nombre de réactions d’internautes algériens, mais aussi tunisiens, on se rend compte que le Qatar ne laisse personne indifférent. Ainsi, des centaines de messages fustigent-ils la transmission du pouvoir entre l’émir et son fils, une transmission pacifique qu’ils qualifient avec virulence de parodie démocratique.
 
De même, les observateurs et analystes qui saluent cet événement, ne serait-ce que parce qu’il est d’une rareté absolue dans un monde arabe habitué aux coups d’Etat sanglant et aux longues agonies des zaïm, sont accusés d’avoir été achetés et arrosés par la manne gazière de l’émirat. Rien de moins ! Le moindre commentaire nuancé, voire positif, sur cet événement est qualifié de traîtrise et de prostitution.
 
Fatigue… Car, disons-le, il y a beaucoup de suffisance et d'arrogance dans ces réactions. C'est un peu l'hôpital qui se moque de la charité. Ou alors c'est celui qui a le derrière à l'air qui se moque de celui qui n'a pas de chaussures...

Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de défendre le Qatar ou de prétendre que cette monarchie  est soudainement devenue une démocratie. Rappelons donc (liste non exhaustive) que les partis politiques y sont interdits, qu’on n’y vote guère et qu’un poète y est actuellement emprisonné pour avoir chanté les louanges du Printemps arabe.
 
Mais, convenons tout de même que ce qui vient de s’y passer est intéressant. C’est la première fois depuis au moins deux décennies, qu’un monarque de la région est remplacé de son vivant et sans qu’il ne s’agisse d’un coup d’Etat. Certes, ce n’est pas une élection. Certes, on peut se demander quel est le rôle de l’administration Obama derrière ce passage de témoin annoncé depuis plusieurs semaines. Mais tout de même ! Quel pays arabe peut s’enorgueillir d’avoir vécu une transition aussi pacifique ?

Il n’est donc pas interdit de critiquer le Qatar (et l’auteur de ce blog ne s’en prive pas). Mais, il faut tout même savoir balayer devant sa porte. Les Algériens ont vu le président Boudiaf se faire assassiner sans réagir. Ils ont accepté trois mandats de Bouteflika sans réagir. Ils ont gobé une révision constitutionnelle qui lui offrait des présidences à répétition sans réagir. Ils se préparaient à avaler un quatrième mandat sans réagir. Pire encore, et sans un certain avc,  il est même possible qu’ils auraient dû se préparer par la suite à voir le frère succéder au frère, à l’image de ce qui se passe en Arabie Saoudite.
 
Alors, comme on dit chez nous : chouia… Un peu de retenue dans le persiflage ne fera de mal à personne surtout quand on est dans une situation qui n'est guère plus glorieuse que celle des monarchies absolues du Golfe…
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