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vendredi 11 avril 2014

La chronique économique : De l’omniprésence des projets d’infrastructures en Chine et ailleurs

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 9 avril 2014

Akram Belkaïd, Paris


Plus de 7% ou moins de 7% ? C’est la question récurrente à propos de ce que sera, en 2014, la performance de la croissance du Produit intérieur brut (PIB) de la Chine. Déjà, en 2013, on pensait que le taux de progression en matière de création de richesses passerait sous cette barre symbolique après avoir déjà décroché du pallier des 8%. Au final, la croissance économique a été de 7,7% en 2013 mais les experts pensent qu’il sera difficile pour Pékin de maintenir ce niveau. A moins de recourir encore aux inévitables solutions keynésiennes…

Stimuler la croissance n’est pas la créer

Le gouvernement chinois vient en effet de décider de lancer de nouvelles mesures de stimulation de l’économie pour contrebalancer le ralentissement de l’activité. Et comme ce fut le cas en 2013, les grands chantiers seront de nouveau à l’honneur avec 6 600 kilomètres de voies ferrées qui vont être mises en place (1 000 kilomètres de plus qu’en 2013) et plus de 4,7 millions de logements sociaux qui seront construits. Au total, les travaux d’infrastructures vont représenter 30% du Produit intérieur brut. De quoi largement permettre à la Chine de maintenir une croissance au moins égale à celle de l’année dernière. Et pour bien se représenter l’ampleur des projets en cours, il faut savoir que 60% du parc mondial des grues est concentré en Chine…

Cette omniprésence des infrastructures dans les politiques économiques chinoises appelle deux remarques. D’abord, comme l’ont constaté nombre d’économistes, on voit bien que la Chine a encore du mal à compenser le ralentissement de ses exportations (provoqué par une baisse de la demande mondiale) en favorisant le développement d’une économie tertiaire interne. En clair, le rythme au ralenti de « l’usine du monde » n’est pas compensé par les services et le marché intérieur. D’où la nécessité de s’en remettre aux grands travaux.

Ensuite, une autre réflexion, moins fréquente, est que cette démarche chinoise risque d’induire en erreur nombre de pays en développements notamment africains. D’Alger à Kinshasa, il n’est question en ce moment que des infrastructures. Bien entendu, il y a nécessité pour les pays concernés de combler des décennies de sous-investissements et d’offrir les meilleures infrastructures possibles pour soutenir et stimuler l’activité économique. Routes, autoroutes, voies ferrées, aéroports, centrales électriques, ports : tout cela est fondamental.

Eléphants blancs et corruption

Le problème, c’est qu’il ne sert à rien de construire des infrastructures sans s’être appuyé sur une stratégie économique globale. S’engager dans des projets coûteux nécessite d’être en adéquation avec une politique économique cohérente et ayant des objectifs précis. Pour dire les choses de manière plus simple : les projets d’infrastructures ne font pas le développement à eux seuls. Ils ne sont qu’un moyen, un outil et un prérequis mais certainement pas une finalité. C’est d’ailleurs parce qu’ils ignorent cela que nombre de pays se retrouvent avec des « éléphants blancs », c’est-à-dire des réalisations que l’on inaugure en grande pompe et qui, par la suite, ne servent plus à rien. D’ailleurs, l’un des autres grands problèmes de la priorité accordée aux infrastructures réside dans la corruption que cela engendre. C’est cette réalité que la Banque africaine de développement (BAD) aborde de manière implicite quand elle estime que nombre de ses membres se focalisent trop sur les grands projets et cela au détriment de ce qui compte le plus, c’est à dire l’éducation et la formation.
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