Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 5 mai 2014

Lecture : Thomas Piketty : Plaidoyer pour un impôt mondial

_

Afrique Méditerranée Business, novembre 2013
Akram Belkaïd, Paris

L’économiste français s’inquiète de l’aggravation des inégalités de revenus dans le monde et préconise de taxer plus fortement le capital.

Très connu aux Etats-Unis pour ses travaux sur les inégalités et les écarts de richesse, Thomas Piketty est un expert influent auprès de la gauche française, à commencer par le président François Hollande qui l’a consulté sur les questions fiscales et sur le dossier épineux de la réforme des retraites (sans toutefois retenir ses propositions) . Aussi, lorsque cet économiste de 42 ans publie une somme d’économie politique de plus de 600 pages sur son thème de prédilection, c’est un événement qui ne laisse personne indifférent à droite comme à gauche (*). 

Certes, exigences académiques obligent, le livre est dense et truffé de données chiffrées, ce qui rend souvent la lecture ardue et l’on peut être vite tenté de sauter aux chapitres où sont formulées les préconisations de l’auteur.

Il n’empêche. Cet ouvrage fera certainement date et devrait inspirer des approches économiques novatrices pour réduire les inégalités, notamment de revenus. Le constat de départ de ce travail mobilise la littérature en faisant écho aux romans de Balzac ou même de Zola. Pour le chercheur, ce début de XXIe siècle ressemblerait à s’y méprendre à la fin du XIXe siècle sur au moins un point : l’importance des déséquilibres sociaux et la place prépondérante des rentiers dans la possession des richesses. L’ouvrage est d’ailleurs porteur d’une mise en garde majeure : dans la perspective d’un maintien d’une croissance molle pour les prochaines années dans les pays développés, les inégalités risquent fort de s’aggraver.

La raison en est simple ; dans un environnement où les taux d’intérêt sont supérieurs au taux de croissance du PIB, mieux vaut être un rentier en capital qu’un salarié. En clair, dans les décennies à venir, et à moins d’un retournement spectaculaire de la conjoncture macroéconomique, l’héritage comptera plus que le travail (et donc le mérite).
Comment endiguer cette tendance porteuse de graves déséquilibres sociaux et donc
in fine politiques ? L’économiste plaide pour la mise en place d’une approche sociale globalisée consistant en un impôt mondial sur le capital.

Cette mesure destinée à réguler l’accumulation et à favoriser, par la redistribution, la cohésion sociale permettrait un contrôle accru sur le fonctionnement des circuits financiers, aujourd’hui en grande partie opaques et échappant aux réglementations des États.

On l’aura compris, l’idée d’un tel impôt fait écho à la fameuse taxe Tobin que le mouvement altermondialiste tente en vain d’imposer à l’échelle planétaire depuis quinze ans. De même, cela montre que toute une école de pensée économique réservée à l’égard des excès du capitalisme considère toujours la fiscalité comme un précieux outil de justice et de cohésion sociales. Mais, une fois la lecture terminée, on ne peut s’empêcher de se dire que la mise en place d’un impôt mondial sur le capital relève, pour l’instant, de l’utopie.


(*) Le Capital au XXIe siècle, Thomas Piketty, Seuil. Traduit en anglais, c'est aux États-Unis, et bien plus qu'en France ou en Europe que l'ouvrage a reçu le meilleur accueil en faisant même partie des meilleurs ventes.
_

Aucun commentaire: