Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

jeudi 22 mai 2014

Zeev Sternhell, à propos du facisme, aujourd'hui en France

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Extraits de l'entretien accordé par l'historien israélien Zeev Sternhell, spécialiste du facisme français, au quotidien Le Monde (18 août 2013) :

- "Il n'existe aucune raison méthodologique qui permette de penser que la France et l'Europe ont été, une bonne fois pour toutes, guéries et immunisées contre le facisme en 1945. La tentation nationaliste fascisante fait partie intégrante de la culture européenne et vient de la tradition des anti-Lumières."

- "Ce qui se passe actuellement en France, c'est une guerre pour l'hégémonie culturelle. La guerre économique et sociale est perdue pour la gauche, faute de combattants. Nul ne songe à toucher aux structures de la société, à gauche comme à droite. Le seul champ de bataille qui demeure, c'est la culture."

- "L'UMP ne bloque pas l'ascendance du FN [Front national]. Au contraire, elle la facilite par une attitude qui - en gros, et même si cela dépend des contextes locaux et des moments - est ambiguë, quand elle n'est pas neutre ou favorable."

- "En France, la droite dure, vichyste, fascisante, fasciste, n'a jamais été forcée à se renier ni même à s'expliquer. Pour réintégrer les rangs de l'intelligentsia respectable, les communistes et gauchistes, eux, ont dû aller à Canossa et s'incliner devant la sagesse de leurs rivaux d'hier. En revanche, on n'a jamais vu un de ces intellectuels tentés par la collaboration, comme Bertrand de Jouvenel (...) et tant d'autres - sans parler d'un René Bousquet ! - s'interroger sur les années 1930 et 1940, faire amende honorable."

- "En 2013, l'antisémitisme n'est plus un facteur de mobilisation comme par le passé, mais la tentation antisémite persiste toujours. L'islamophobie tient maintenant la vedette. Sur la place publique, la crainte de l'islamisation progressive de l'Europe est de plus en plus grande."

- "La tentation fasciste [en France] est là, donc il ne faut pas faire silence sur des groupuscules violents d'extrême-droite sous prétexte qu'en parler serait faire de la publicité. Il faut insister sur le danger réel que ces groupes représentent. Le fait que ces gens-là soient des marginaux ne doit pas faire oublier que, vers 1928, les nazis n'avaient pas atteint 3% aux élections générales. Le problème est d'ailleurs aussi intellectuel : il faut opposer le raisonnement enraciné dans Les Lumières à tous ces individus, partis ou mouvements. Il ne faut pas se taire."

- "On n'a pas besoin de la religion pour réfléchir aux valeurs fondamentales. Ce qui fait reculer la laïcité, c'est l'effritement de la tradition des Lumières. La pensée de gauche doit rester enracinée dans cette idée."
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