Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

samedi 20 décembre 2014

La chronique du blédard : Le Quotidien d'Oran a vingt ans : prendre le sillage du XXIème siècle

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Le Quotidien d’Oran, dimanche 14 décembre 2014
Akram Belkaïd, Paris

On dit souvent qu’un journal est la rencontre entre ses rédacteurs et leurs lecteurs. Mais c’est aussi, du moins en ce qui me concerne, celle qui lie le journaliste et le journal lui-même. Ma collaboration avec Le Quotidien d’Oran a débuté, si je ne me trompe pas, en 2002 (bien avant que je ne commence à publier ma « chronique du blédard » et celle consacrée à l’économie). Depuis, j’ai changé à plusieurs reprises de positions professionnelles mais le lien avec Le Quotidien ne s’est jamais distendu, bien au contraire. A mes interlocuteurs et autres lecteurs, j’explique souvent que j’y ai bénéficié d’un immense espace de liberté et que jamais je n’ai eu à déplorer la moindre censure ni le moindre interventionnisme. J’ai pu y trouver de quoi donner libre-cours à mes idées d’écriture y compris les plus fantaisistes ou les plus provocatrices (à ce sujet, près de dix ans plus tard, des lecteurs se souviennent encore de mes chroniques à propos du consulat d’Algérie en France et, l’actualité étant ce qu’elle est – en clair, rien n’a changé ou presque – je me dis qu’il serait peut-être temps de remettre le couvert…). Merci donc au Quotidien d’Oran, à sa direction, à ses équipes.
Comme nombre de zmigris - je suis tenté d’utiliser le terme d’« éloignés » - je lis Le Quotidien sur internet en commençant, c’est un rituel, par l’éditorial de M. Saadoune ou de K. Selim. A ce sujet, je ne cesserai jamais de répéter que peu de journaux, y compris en France ou ailleurs dans l’espace francophone, peuvent s’enorgueillir d’avoir des écrits quotidiens d’une telle qualité et d’une telle pertinence au point que le lecteur que je suis (c’est bien connu, les journalistes sont payés pour lire ce que les autres ont écrit…) se rend souvent compte que Le Quotidien d’Oran inspire beaucoup de publications sans pour autant être toujours cité comme source principale…
Bien sûr, je n’oublie pas non plus les chroniques de Kamel Daoud qui ne me laissent jamais indifférent, les papiers incisifs d’Abed Charef (que j’imagine tapant comme un sourd sur son clavier comme au temps de La Nation…) ainsi que les multiples contributions, parfois inattendues et originales, de l’Actualité vue autrement. C’est une offre riche, toujours pleine d’enseignements et ouverte sur la marche de l’Algérie et du monde. Dans Le Quotidien d’Oran, on trouve de l’info, y compris régionale ce qui est fondamental en ces temps où le terme « glocalisation », contraction entre globalisation et local est omniprésent dans les études de prospective.
En somme, je parle donc d’un journal qui répond à de nombreuses attentes de ses lecteurs mais il est peut-être temps pour lui d’aller plus loin. Le temps de se renouveler afin d’entrer de plain-pied dans ce qu’est déjà une nouvelle ère. C’est presque une certitude, pour la presse écrite, le XXIème siècle sera celui du support électronique : téléphone mobile, tablette, liseuse, feuille électronique (des projets de papier « intelligent » sont en cours), etc… Le lecteur de demain (et déjà d’aujourd’hui) veut de l’interactif, du 2.0, de la couleur, de la vidéo (beaucoup de vidéo !) et du data, comprendre de l’infographie dynamique. Certes, l’Algérien entretient encore un rapport quasi-charnel avec le papier. Mais qu’en sera-t-il dans vingt ans, quand les gamins aujourd’hui accrochés à leurs ipads seront en âge de « consommer » de l’information ?
Actuellement de nombreuses activités économiques connaissent d’importants bouleversements et les métiers de la presse n’y échappent pas. A ce jour, personne n’a encore trouvé le graal du modèle le plus rentable, celui qui pourrait concilier la nécessité de produire de l’information de qualité sans dépendre d’un actionnaire charitable appelé à boucler les fins de mois, situation dans laquelle se trouvent de nombreux quotidiens à travers le monde. Cela oblige donc à des expérimentations qui ne sont pas toujours heureuses. La presse écrite se cherche et, avec elle, ce sont les journalistes qui sont déboussolés. Mais dans cette affaire, le mouvement est toujours préférable à l’immobilité. Des solutions vont émerger car c’est le propre de l’activité humaine que de toujours résoudre les problèmes qui se posent à elle.
En clair, il faut souhaiter au Quotidien d’Oran d’entamer sa mue vers de nouveaux supports. Bien sûr, le papier ne va pas disparaître mais la présence sur le net, via un site web relooké et des applications pour les appareils mobiles est d’ores et déjà nécessaire. Peut-être faudra-t-il apprendre à écrire autrement. Peut-être que le temps du « deux feuillets de 1500 signes » est terminé et qu’il faut envisager des formations au multimédia. Qui sait, le journaliste de demain sera une sorte de compositeur maîtrisant les outils numériques comme il a appris à maîtriser le traitement de texte après avoir abandonné sa machine à écrire. C’est une mue qui me semble incontournable. Cela va changer nos journaux y compris Le Quotidien d’Oran. Cela, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs et de ses journalistes et autres contributeurs. En attendant, je souhaite un sincère et amical « joyeux anniversaire » à ce journal. Bravo encore et très bonne continuation.

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