Lignes quotidiennes

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mardi 5 janvier 2016

La chronique du blédard : L’histoire des types qui se battent avec des néons continue…

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 31 décembre 2015

Akram Belkaïd, Paris



Allez, viens, mais viens j’te dis ! Non, juré, je ne vais pas te raconter la fin du film. Comment ? On dit « spoiler » maintenant ? Attends, je cherche. Ah oui : « un spoiler, terme emprunté à l’anglais signifiant gâcher, désigne toute chose qui interrompt le suspense ou dévoile une partie d’une énigme, ce qui a pour effet de supprimer tout mystère quant au dénouement » (source linternaute.com). C’est promis, je ne vais pas te « spoyler » le film mais juste te raconter deux ou trois trucs, un peu comme pour l’histoire du dauphin (*). Ah, tu vois que ça t’avais bien plu !

Donc, c’est le septième épisode. Au moins, celui-là personne ne va se tromper ou te demander des précisions. Parce qu’avec les précédents, c’est devenu compliqué. Pour moi, le numéro un de la série, c’est toujours et encore « Un nouvel espoir » parce que c’est le premier de tous, celui qui est sorti en 1977. Mais les « djeunes » et les ados d’aujourd’hui, t’expliquent gentiment que c’est le numéro quatre parce que la chronologie de sortie des films ne les intéresse pas. Ce qui compte pour eux, c’est le déroulement de l’histoire avec, au commencement, « La menace fantôme » de 1999. Tiens, petit raisonnement mathématique. Imaginons qu’il y ait une quatrième trilogie et qu’elle raconte des évènements qui se sont déroulés avant ceux de la troisième (trilogie), autrement dit celle qui vient de commencer. Cela veut donc dire que le septième épisode qui est sur les écrans doit d’ores et déjà être considéré comme le numéro dix ! Tu me suis ? Non. Pas grave, on revient à l’histoire.

Comment ? Ça s’appelle des « prequels » ? Attends, je cherche encore. Ah, voilà : Au cinéma, « un prequel est un film reprenant l’univers et une partie des personnages d’un autre film existant, mais racontant une autre histoire, s’étant déroulée avant le film ayant servi de modèle. Exemple : ‘’Le monde de Dorri’’ est un prequel au ‘’Monde de Némo’’ » (même source). D’accord ! Tiens, il faudra que je te parle de Némo. Non, ne fais pas la tête, on revient à l’histoire.

D’abord, il y a toujours des gens qui se battent à coups de néons multicolores et ça fait toujours le même bruit de vibrations. Bizarre comme ça peut fasciner ce genre de truc. Il fallait y penser. Des épées, mais en forme de tube lumineux. Ah, petite nouveauté, l’un des sabres, je crois que c’est celui du méchant, a une garde qui peut faire penser à une croix. Il paraît que les afficionados ont protesté contre cette bid’â (innovation blâmable chez les musulmans). Pardon ? Bien sûr qu’il y a un méchant. Très méchant même. Bon, je ne te dirai rien de plus si ce n’est qu’il a bien une sale gueule avec ou sans masque. Attends, ne proteste pas, tout le monde sait que le vilain du septième épisode a un masque. C’est en vente partout, c’est sur toutes les couvertures de magazines. J’en ai même porté un. Si, si. J’ai pris un selfie et l’ai posté sur instagram. J’ai reçu beaucoup de commentaires étonnés ou carrément catastrophés. J’en suis bien content. Je me dis que ces amies et amis ont cessé de penser pendant quelques secondes à Valls et à Hollande, tu sais les deux nouveaux supplétifs du Front national…

Bon, revenons au film. Donc, le méchant très méchant est là dès le début. Il y a aussi une actrice qui joue dans Game of Thrones et qui fait partie des vilains masqués. Et tout ce beau monde cherche à tuer le plus grand nombre de gentils et à faire sauter plein de planètes qui n’ont rien demandé. Bien sûr, il y a un héros. Deux même. Chacun fait partie d’une minorité. Un noir et une femme. Tu vois, il y a toujours un moment où Hollywood va plus vite que le reste du cinéma mondial. Combien de films français où le héros est une femme ou un noir ou un arabe ? Peu. Si peu… Tiens, l’acteur noir est même un petit peu enveloppé ce qui pourrait inclure une troisième minorité. La femme, elle, pourrait poser pour ce journal féminin qui vient de fêter ses soixante-dix ans et qui se prétend encore féministe…

Il y a donc, un méchant, très méchant mais qui a quelques lignes de faille. C’est ça la clé pour réussir un film d’action. Il faut prendre plus de soin à composer le personnage du vilain qu’à celui du héros. Prends Tintin. Que serait ce falot sans humour ni fantaisie si Rastapapoulos n’existait pas ? Bien sûr, le second rôle compte tout autant. Là aussi, qu’est-ce que Tintin sans le capitaine Haddock ou même le professeur Tournesol ? Mais là, pour ce numéro sept, futur numéro dix, ce qui change tout, c’est que le héros est une héroïne. Donc, c’est tellement nouveau, y compris dans cette saga où, jusque-là les femmes étaient un peu nunuches, qu’on a aucun mal à accompagner l’intrigue. Et donc je ne me suis pas surpris à espérer que le méchant très méchant dégomme tout le monde pour qu’on en finisse une bonne fois pour toute. Ah, le vilain au costume noir de la première trilogie… Cette musique à la fois inquiétante et sublime qui l’accompagnait… On n’a rien inventé de mieux que Darth Vader – que des zozos monolingues ont, hélas, traduit en Dark Vador.

Donc, je résume. Il y a de la castagne, des vaisseaux qui hurlent comme des éléphants, des batailles et des bombardements spatiaux, une machine infernale, des images sublimes du désert (d’Abou Dhabi, pas celui de la Tunisie), des terres enneigées, des goules, des robots qui bipbipent ou qui minaudent, des revenants (que le public des fans applaudit avec joie), un type sur une falaise qui regarde la mer en tournant le dos à la caméra, une naine dans un costume d’E.T., du charabia technique belbezef, et des acteurs et actrices prometteurs appelés à revenir en 2017 pour l’épisode huit (futur onze) et en 2019 pour l’épisode neuf (futur douze). Bon, de toi à moi, je n’ai pas tout compris et pas toujours saisi qui est qui et qui a fait quoi. Mais ça vaut tout de même le coup d’être vu d’autant que tu peux y aller en famille vu qu’il n’y a pas de scènes de khichibichi. Bon, allez, que la force soit avec toi. La prochaine fois, je te raconte Le monde de Némo

(*) Monologue de celui qui a regardé une histoire de dauphins, Le Quotidien d’Oran, jeudi 20 août 2015

P.S : Le blédard souhaite une bonne année 2016  à celles et ceux qui ont eu le courage (ou pas) d’aller jusqu’au bout de cette chronique (et des autres aussi…). 
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