Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 28 février 2017

L'étrange campagne électorale

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Donc à bien saisir la situation, un triangle Fillon - Macron - Le Pen se dessine pour l'élection présidentielle française. 
Autrement dit, la gauche ne serait pas au deuxième tour. Autre conviction générale, Le Pen sera présente au second tour d'où la bataille acharnée des suivants entre eux puisque ces derniers savent qu'être présent opposés à elle au deuxième round est synonyme d'élection quasi-assurée (encore qu'il faille en être totalement certain...).

- Hypothèse 1 : match Fillon - Le Pen au deuxième tour. Est-on sûr que les électeurs de gauche et ceux de Macron iront voter Fillon ? Une sorte de remake du 21 avril 2002 où il fallait voter Chirac pour "sauver l'honneur de la France" et faire barrage bla bla bla...

- Hypothèse 2 : match Macron - Le Pen au deuxième tour. Est-on sûr que les électeurs de Fillon iront voter pour Macron dans une sorte de 21 avril inversé ? Rien ne le dit...
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lundi 27 février 2017

Trump et les médias

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On parle beaucoup du bras de fer qui oppose Donald Trump à la presse américaine. Il est vrai que les attaques incessantes du président ont de quoi inquiéter les défenseurs de la liberté d'expression. Museler la presse après l'avoir accablée de tous les maux est une caractéristique des régimes autoritaristes pour ne pas dire fascistes.
Néanmoins, il convient de rappeler qu'une partie des médias américains a contribué à la victoire de Trump, ne serait-ce qu'indirectement. Depuis les début des années 2000, et plus encore après l'élection de Barack Obama en 2008, la chaîne de télévision Fox news a créé un contexte propice à l'émergence d'un mouvement réactionnaire qui a mené le milliardaire à la Maison Blanche. Et ne parlons même pas de certains réseaux radiophoniques qui, à force de talk-show outranciers, ont permis aux idées les plus rances de se diffuser dans l'Amérique profonde.
Même les médias dit libéraux ont leur part de responsabilité. À force de solliciter l'avis de Trump sur n'importe quel sujet (et avant même que ce dernier ne découvre Twitter), ils lui ont conféré le statut d'homme politique qu'un tel énergumène ne méritait pas.
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samedi 25 février 2017

La chronique du blédard : De la colonisation, de ses crimes et de la repentance

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 23 février 2017
Akram Belkaïd, Paris

Parfois, il ne sert à rien d’écrire sur un thème que l’on a déjà abordé. Cela vaut surtout si les idées sont les mêmes et que la conviction alors affirmée est demeurée intacte. On peut éprouver l’envie d’annoter, de préciser ou d’augmenter mais cela ne change rien au fond. Alors, autant publier le texte tel quel. Cela sonne comme un rappel, une réitération et c’est donc ce qui suit.

On a beaucoup parlé ces derniers jours, de la colonisation et de ce qu’elle a infligé au peuple algérien. On peut se distancier de ce débat, au nom de la tranquillité d’esprit et de la lucidité en rappelant que tout cela n’est guère innocent puisque cela s’inscrit dans le climat délétère de la campagne pour l’élection présidentielle française. Mais rien n’empêche de redire ce que l’on pense surtout si l’on éprouve la désagréable sensation qu’une partition bien particulière nous est imposée, du moins en France.
Voici donc quelques considérations sur cette question. Il s’agit d’extraits de mon ouvrage Un Regard Calme sur l’Algérie (Seuil, 2005).
Les parties entre crochets sont de légères précisions.


Pour des excuses françaises à propos de la colonisation

« J’ose faire ce rêve. Le 19 mars 2030, à quelques semaines du bicentenaire [et non du centenaire comme écrit précédemment] de la prise d’Alger par les troupes du général de Bourmont, un président de la République française, peut-être une femme, prononcera à Alger un discours historique devant les députés de l’Assemblée nationale algérienne. Un discours où ce président, la voix chargée d’émotion, demandera officiellement pardon aux Algériens pour les cent trente-deux années de colonisation infligées par la France à leur pays, de 1830 à 1962. Peut-être, à défaut de ‘repentance’, s’agira-t-il tout simplement de la présentation d’excuses aux Algériens et de la reconnaissance devant l’Histoire que la colonisation fut dans sa presque totalité une ignominie génératrice de violences extrêmes à l’égard d’un peuple qui en a été à jamais affecté dans son âme et dans sa personnalité. »

« Ce rêve, ou plutôt ce souhait, ne se réalisera peut-être jamais. En effet, la question de la reconnaissance officielle par la France du mal fait par la colonisation aux Algériens n’est pas un thème facile à aborder. Le faire, c’est ouvrir immédiatement les vannes du contentieux franco-algérien. C’est aussi remettre à l’ordre du jour un sujet épineux en matière de politique intérieure [française] qui, de l’extrême droite à la gauche « souverainiste », provoque, dans le meilleur des cas, des crispations et des manifestations d’évident agacement. « Encore ? », « A quoi bon ? », « Ce n’est pas aussi simple que cela » sont les réponses les plus fréquemment avancées lorsque l’interlocuteur algérien revient à la charge sur ce sujet. » (…)

« J’ai moi-même longtemps considéré cette question de la ‘repentance’ française comme secondaire dans la somme des malentendus franco-algériens. A l’instar de nombreux compatriotes, j’estimais nécessaire d’aller de l’avant et de cesser de se sentir pris en otages par le poids du passé. Ce n’est pas que les discours sur les prétendus aspects positifs de la colonisation me laissaient indifférent. Mais souvent, par tact, par politesse à l’égard de l’interlocuteur français, je préférais ne pas engager de joutes verbales, mettant son insistance à trouver à tout prix des bienfaits à la colonisation sur le compte d’une culpabilité mal assumée que je prenais garde de ne pas exacerber, ou la considérant comme l’expression du sentiment d’une défaite mal digérée – l’indépendance algérienne et la fin de l’empire colonial français. De façon plus générale, revenir sur la colonisation me semblait faire partie de ces débats stériles que l’Humanité ne gagne rien à perpétuer. »

Reconnaître la souffrance algérienne

« Les effets insidieux de la ‘seconde guerre d’Algérie’ [la décennie noire] qui ont ouvert [en France] la voie à la remise en question profonde de la légitimité de l’indépendance algérienne m’ont pourtant fait changer d’avis. Je suis désormais convaincu que, si l’on souhaite vraiment refonder les relations franco-algériennes, il faut alors revenir au point zéro, à l’origine de tous les maux et tourments qui empoisonnent les relations entre les deux pays. En tant qu’Algérien né après l’indépendance, j’aimerais que la République française reconnaisse officiellement que la colonisation de l’Algérie a été un déni à la fois de justice et d’humanité vis-à-vis d’un peuple qui vivait sur sa terre, qui possédait sa propre identité. Une reconnaissance au nom de la morale et de la vérité historique. »

« De la morale, parce qu’il n’était pas juste d’envahir par la force et de coloniser une terre déjà peuplée, avec ses propres traditions et religions. Il n’était pas juste de déstructurer sa population en se justifiant d’une prétendue supériorité civilisationnelle. Il n’était pas juste enfin de faire des Algériens des « indigènes », des êtres de second rang qui ont dû attendre 1958 et les derniers feux de l’Algérie française pour être conviés, en tant que citoyens, au banquet de la République. »

« De la vérité historique, parce que la colonisation a été tout, sauf une œuvre civilisatrice. La violence de la conquête coloniale, les milliers de têtes coupées lors de la « pacification », les tribus – hommes, femmes et enfants – enfumés dans des grottes jusqu’à la mort, les terres confisquées, les insurrections et les révoltes matées dans le sang – la dernière en date étant celle du printemps 1945 – démontrent que les Lumières n’ont rien à voir avec cette période tragique. » (…)

« Mais cette ‘reconnaissance de torts’ – je préfère ce terme à celui de ‘repentance’ – est avant tout un acte nécessaire si l’on veut aider les Algériens à se reconstruire. Dans notre mémoire collective, la colonisation est une violence mais aussi une défaite humiliante. Le tourment d’un peuple assujetti par la force et les exactions s’est transmis de génération en génération et demande toujours à être soigné. Bien sûr, l’indépendance a atténué la douleur et fait relever les têtes, mais elle n’a pas fait disparaître le traumatisme. L’absence d’excuses officielles, le refus têtu de la France d’admettre par le biais de ses autorités politiques sa responsabilité dans cette blessure de l’âme algérienne sont comparables aux dégâts qu’inflige un agresseur à sa victime en refusant de reconnaître son tort et en lui niant l’existence d’une légitime douleur. »

Excuses, démocratie et réparations

« Pourquoi attendre 2030 ? Ce n’est certainement pas parce que je fais le pari que les passions franco-algériennes seront éteintes d’ici là. Laisser passer le temps ne servira à rien, car chaque génération reprend à son compte, d’une manière ou d’une autre, le contentieux entre nos deux pays. Il est de fait vraisemblable que la polémique autour du voile en France puise une partie de ses racines dans le passé algérien d’un pays qui découvre, dans la difficulté, que l’achèvement de la décolonisation n’a pas tout résolu, notamment ses questionnements sur sa propre identité. »

« En réalité, si j’avance la date de 2030, c’est parce que j’ose imaginer que, d’ici là, l’Algérie sera vraiment une démocratie. Il m’insupporterait de voir le ‘pouvoir’ actuel tirer profit d’un acte de contrition français. Il ne s’agit pas ici d’ouvrir la voie à un nouveau type de conditionnalité, du type ‘la repentance contre la démocratie’, mais d’être prudent par respect pour le peuple algérien en ne perdant jamais de vue que ses dirigeants exploitent tous les moyens pour conforter leur emprise sur le pays. »

« Nous avons suffisamment souffert de la confiscation, voire de la réécriture, de notre histoire à des fins partisanes pour admettre qu’une éventuelle reconnaissance officielle par la France de ses fautes et erreurs en Algérie soit récupérée par un régime non légitime. Si je souhaite que, un jour, un président de la République française reconnaisse de manière officielle que la colonisation a d’abord été un viol, ce n’est que pour mieux m’accepter et cesser enfin d’être obsédé par le passé. Ce n’est pas en tous les cas pour exiger de la France des réparations matérielles qui ne grandiraient pas l’image de l’Algérie et qui, au final, souilleraient la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour l’indépendance. » (…)

Les bienfaits collatéraux de la colonisation


« Si l’on veut parler sérieusement de la guerre d’Algérie, il faut alors revenir à la conquête coloniale. Je ne considère pas que ce conflit de sept années et demie a été une rupture : il était inscrit dans les tables. C’était la logique et inévitable réponse à plusieurs décennies de pacification et d’insurrections matées dans le sang. Par ailleurs, personne en Algérie, ne nie que la colonisation a fait du bien à une minorité d’Algériens. Mais ce n’est pas pour eux que la France s’est installée dans leur pays et ils n’ont fait que bénéficier de « bienfaits collatéraux » [autrement dit, des bienfaits par incidence]. La colonisation, qui peut-être n’a finalement profité qu’à une minorité de Français et à de gros colons – mais c’est déjà une autre question – n’a pas émancipé les femmes algériennes, elle n’a jamais imposé l’école pour tous les enfants musulmans, elle n’a pas sorti l’Algérie profonde du plus complet dénuement. C’est d’abord pour cela que le FLN a pu naître, rassembler puis vaincre. »
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vendredi 24 février 2017

L'inquiétude (car Trump...)

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L'inquiétude. 
C'est le mot qui vient à l'esprit après avoir discuté de la situation aux Etats Unis avec un confrère spécialiste de ce pays. Le constat est paradoxal. Donald Trump met en application son programme électoral, du moins en apparence, mais l'on continue à le qualifier d'homme imprévisible. 
Ses reculades - comme pour l'Obamacare qu'il n'est plus question d'abroger mais "d'améliorer" - sont enveloppées par une dialectique agressive pour ne pas dire paranoïaque et égotique (une chose est certaine, ce président ne supporte pas la moindre critique).
Pour ce confrère, deux points sont essentiels :
- Le premier est que parmi les scénarios les plus fréquents, on évoque à Washington ou ailleurs la probabilité d'une guerre à plus ou moins moyen terme. Autrement dit, tôt ou tard, Trump éprouvera le besoin de ressouder la nation autour de lui et de masquer l'incompétence de son équipe. Une guerre, mais où et contre qui ? La question reste posée.
- Le second est que le seul opposant sérieux à Trump est la société civile. Le Congrès est dominé par les républicains et les élections de mi-mandat (mid-term en novembre 2018) sont déjà dans le viseur des élus républicains qui savent que s'opposer aujourd'hui à Trump, c'est prendre le risque que la Maison-Blanche soutienne un autre candidat voire qu'elle en désigne un pour punir l'opposant.
Quant à l'impeachment - la destitution par le Congrès - l'hypothèse est évoquée mais il faut juste savoir que le processus est long et qu'il faut un motif. A terme, le mélange des genres et les conflits d'intérêt entre Trump président et Trump businessman pourraient déclencher ce genre de procédure mais rien n'est sûr.
L'Amérique en est là...

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jeudi 23 février 2017

Détestable censure

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Je n'ai pas encore lu le livre de Ferial Furon donc il ne m'est pas possible de m'exprimer sur son contenu. Par contre, je trouve regrettable que l'on en vienne à réclamer l'interdiction de son ouvrage en Algérie et qu'on lui interdise de le dédicacer à Alger, Contantine ou ailleurs dans le pays.
La seule réponse que l'on puisse apporter à un livre dont on rejette les thèses est la réfutation argumentée pas la censure. 
Je vais même plus loin. S'il vient à l'idée d'un auteur algérien d'écrire un livre qui irait à l'encontre de l'opinion dominante, comme par exemple glorifier la colonisation, il faut qu'il puisse le faire. À charge pour ses détracteurs d'écrire ou de clamer tout le mal qu'ils en pensent. Et si des séances de dédicace sont organisées et que des lecteurs s'y rendent, c'est leur droit.
De même, c'est le boulot des journalistes d'interviewer des auteurs, quelles que soient les productions de ces derniers, mais à la condition de préparer sérieusement ce genre d'entretien et de veiller à ne pas servir uniquement à... servir la soupe...
On ne gagne rien à user de la censure. C'est un manque de maturité et un manque de confiance en la force et le bien-fondé de ses convictions.


Ps : s'il vient à quelqu'un, je pense en particulier aux wanetoutristes, de penser que mon avis relève d'un quelconque hizbfrancisme, qu'il lise ma chronique du jour dans le Quotidien d'Oran.

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mercredi 22 février 2017

Désunions en attendant le pire

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En France, comme ailleurs, au sein de la famille progressiste, batailles et multiples divisions : l'identité, le rapport à l'islam (le voile, encore et toujours), la mémoire coloniale, le caractère structurel ou non des discriminations, l'existence ou non d'un racisme d'Etat, cela sans parler des questions économiques (euro, revenu universel, uberisation). Bref, des déchirements en pagaille. Parfois, je me dis que les monstres désormais sortis de leur tanière mettront tout le monde d'accord. Mais qu'il sera alors trop tard...
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dimanche 12 février 2017

La chronique du blédard : Fillon et la communication de crise

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 9 février 2017
Akram Belkaïd, Paris


Comme tous les scandales politico-financiers, celui qui concerne François Fillon et son épouse Pénélope constitue un cas d’études idéal en matière de communication. Dans ce genre d’affaire, les mécanismes sont presque toujours les mêmes. D’abord, la presse fournit des révélations qui font grand bruit. Dans le cas présent, il s’agit du Canard Enchaîné, hebdomadaire satirique dont la spécialité est aussi le journalisme d’investigation. Très vite, la riposte s’organise avec, comme toujours, la nécessité de brouiller les pistes.

Ainsi, la vraie question qui se pose concernant l’épouse de l’ex-Premier ministre est de savoir si ses emplois, payés avec de l’argent public, étaient réels ou non. Le reste n’est que considérations plus ou moins rationnelles sur l’éthique et sur les bonnes mœurs et la déontologie de la classe politique française. En l’état actuel des choses, le mis en cause n’a donné aucune preuve tangible quant à la réalité des postes occupés par son épouse. Qu’il s’agisse de la fonction d’attachée parlementaire ou de pigiste (de luxe…) à la revue Les Deux Mondes, on attend toujours les preuves qui écarteraient l’accusation d’emploi fictif.

La défense de François Fillon, et l’on sent la patte des spécialistes de communication de crise, a consisté dès le début à déplacer le débat. On ne parle pas d’emplois fictifs, on oriente la discussion sur la question de savoir s’il est légal ou non d’employer un membre de sa famille. Et pour faire bonne mesure, parce qu’il faut donner l’impression de lâcher du lest, on concède quelques contritions à propos de la moralité de la chose. Fillon dit comprendre que les Français n’acceptent plus que des élus rétribuent leurs proches. Or, cette fois, cet enfumage ne passe pas parce que les réseaux sociaux jouent un rôle inattendu. Ils rappellent que le cœur du débat est le caractère fictif ou non des emplois.

Un autre leurre, à l’image de ces « contre-mesures » qu’un avion de chasse éjecte quand il est accroché par un missile, consiste à insister sur les montants en question. Il est évident qu’une pige à 50 000 euros pour un texte de quelques centaines de caractères est un scandale. Il est évident que dans le contexte social actuel, les rémunérations évoquées sont choquantes. Dans ce cas précis, la communication de crise consiste à admettre la faute sur le plan moral mais à insister sur le caractère légal de ces salaires. C’est l’argument avancé par les soutiens de Fillon et il y en a encore beaucoup, c’est dire la déliquescence du système.

Cette stratégie de diversion ne serait pas possible sans la complicité active ou inconsciente de certains journalistes. Lors d’une émission spéciale consacrée à cette affaire (Le téléphone sonne), le journaliste de France Inter Nicolas Demorand n’a eu de cesse de rappeler à ses invités et ses auditeurs que le fond du problème était la réalité des emplois de Pénélope Fillon. Idem pour l’émission Envoyé spécial présenté par Elise Lucet. Mais tel n’est pas le cas pour tant d’autres programmes ou articles. Certes, il leur est difficile de ne pas mentionner cet aspect mais on a vu des journalistes vedettes de certaines chaines d’information continue discourir sans fin sur la légalité ou non d’employer ses proches quand on est un élu de la République…

D’autres journalistes, ou plutôt des éditorialistes, s’avèrent fort utiles pour tenter de faire baisser la pression et de culpabiliser à la fois leurs confrères et le public qui réclame des comptes et d’autres informations. Leur petite musique se fait entendre au bout de deux ou trois jours. Ils dénoncent la « chasse à l’homme », le « déchainement médiatique », laissent entendre, eux aussi, qu’il s’agirait « d’un règlement de compte ». Ce fut le cas lors de l’affaire Cahuzac quand nombre de « journalistes » prirent sur eux d’attaquer le site Mediapart en réclamant « des preuves » avant de se résoudre à se taire devant l’énormité du scandale. Ces journalistes entretiennent depuis très longtemps une collusion avec le monde politique. On se tutoie, on passe des vacances ensemble, il arrive même que l’on finisse par se marier. Dans cette proximité douteuse, la matière essentielle est le tuyau, la petite phrase exclusive qui étaiera un éditorial ou, il faut aussi le dire, qui sera vendue à la fameuse page deux du Canard enchaîné.

L’un des autres leviers de la communication de crise est de créer plus de bruit. Autrement dit, il s’agit d’alimenter la presse avec d’autres révélations afin de créer la confusion. Certes, la manœuvre est dangereuse car il y a tout de même le risque d’affaiblir la personne qu’on veut défendre mais, dans le même temps, cette profusion d’informations peut provoquer la lassitude des électeurs et des journalistes qui suivent ces affaires. C’est à l’aune de cette réalité qu’il faut évaluer les informations concernant François, qui n’ont rien à voir avec Pénélope, et qui sortent soudainement.


On terminera par l’un des aspects les plus controversés du journalisme d’investigation mais qui s’avère être une nécessité. Quand une information est imprimée, l’obsession des mis en cause et de leurs communicants est de découvrir ce que les journalistes savent d’autre et qu’ils n’ont pas encore publié, autrement dit les prochaines salves. Ces journalistes sont alors accusés de « feuilletonner ». En réalité, leur tactique est simple. Les premières mises au point des mis en cause sont souvent incomplètes pour ne pas dire mensongères. Cela donne encore plus de poids aux informations qui sont publiées ensuite. Cela Fillon le sait. Il tente de décrédibiliser la presse mais à chaque fois qu’il se défend, les informations qui suivent sapent encore plus sa position et l’enfoncent. Reste maintenant à savoir si ce Thénardier de la politique lâchera prise ou non.
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