Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mercredi 29 mars 2017

Allô, Manu ? J'ai décidé de voter pour toi

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 Allô, Manu, c'est Manu ! J'ai donc décidé de te soutenir.
- Ah ouais ? Tiens, donc... Bon... Ben merci, hein ! Mais que les choses soient claires, tu n'auras pas de poste. Je ne pourrai pas te nommer ministre.
- Heu... Pas même un petit secrétariat d'Etat ?
- Non. Rien de rien.
- Une ambassade, alors ?
- Rien du tout.
- Une toute petite ambassade...
- Nada, walou, nothing, des clous, des nèfles,...
- Un consulat, peut-être ?
- Je ne t'entends plus, ça va couper...
- Attaché culturel ? Une mission commerciale ? Le bureau des Bourses à Oulan Bator ? Allez, en souvenir de la belle époque ! Allô ?
- (rires étouffés) Il n'y a plus personne, bip... bip... bip...

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mardi 28 mars 2017

Hommage à Ahmed Kathrada

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Ahmed Kathrada (1929-2017), sud-africain, vétéran de la lutte contre l'apartheid n'est plus. Outre ses multiples engagements progressistes, cet homme qui fut un compagnon de route et l'un des plus proches conseillers de Nelson Mandela, était la figure de proue d’un mouvement international pour la libération de Marouane Barghouti, dirigeant du Fatah condamné à la prison à vie par Israël. 
Les Palestiniens viennent de perdre un grand ami de leur cause.
Si je mentionne ce fait, c'est parce que nombre d'articles sur Ahmed Kathrada évitent de mentionner cet engagement particulier.
AMANDLA !


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lundi 27 mars 2017

La chronique de l’économie : C’est l’économie, idiot !

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 21 mars 2017
Akram Belkaïd, Paris

Bien qu’ils soient très décriés, les sondages en période de campagne électorale offrent toujours des enseignements précieux. Concernant la présidentielle française, l’un d’eux revient sur les attentes des électeurs en matière d’économie (*). Et il s’avère que la majorité d’entre eux considère justement que les enjeux économiques sont leur principale priorité. Trois thèmes reviennent en force : L’emploi, la protection sociale et le pouvoir d’achat. Seuls les électeurs du Front national demeurent persuadés que c’est l’immigration qui prime sur tout puisque ce dossier engloberait le reste. On voit là à quel point il est facile pour Marine Le Pen de faire campagne. L’immigration brandie en permanence permet de répondre à toutes les attentes y compris économiques…

Le poids de la précarité

Il n’est pas besoin d’être un expert en sciences économiques pour comprendre pourquoi l’emploi est la question numéro un pour les Français. Cela fait plus de trente ans que c’est le cas et toutes les politiques censées redonner du travail aux chômeurs ont échoué. Plus grave encore, la précarité pour les actifs tend à se généraliser du fait des nouvelles pratiques des entreprises. Considéré comme le but à atteindre, le contrat à durée illimitée (CDI) fait désormais figure de Graal impossible pour nombre de jeunes précaires, y compris des diplômés de l’enseignement supérieur. Dans plusieurs secteurs des services, le phénomène d’externalisation prend de l’ampleur. Des salariés sont conviés – le mot est faible – à démissionner et à « créer leurs boîtes » voire à passer sous le statut d’auto-entrepreneur. Pour les entreprises, cela permet de diminuer les charges. Pour les ex-salariés, c’est la porte ouverte à tous les risques sans oublier le fait qu’ils seront pénalisés sur le plan des acquis sociaux (obligation de cotiser par eux-mêmes pour la retraite notamment).

Concernant l’emploi toujours, il est fascinant de voir à quel point s’est installée une certaine résignation sur la question de la précarité. Même l’Etat français et ses différentes branches y ont recours avec excès. Dans toutes les administrations, dans les services publics, on use et abuse des contrats à durée déterminée (CDD). Ne parlons pas non plus de la flexibilité des horaires tandis que, et la tendance ne date pas d’hier, des services de contrôle, comme par exemple, l’inspection du travail sont peu à peu affaiblis. C’est un cercle vicieux global. L’Etat se désengage, il accorde plus de champ aux entreprises, lesquelles, entre l’optimisation fiscale et les pratiques managériales destinées à alléger les charges, versent moins de cotisations. Comme l’Etat est alors incapable d’assumer sa mission, il délègue puis privatise.

Ainsi, et cela rejoint la question de la protection sociale, l’un des vrais enjeux dans les années à venir pour la France est l’avenir de sa sécurité sociale. Officiellement, tous les candidats veulent préserver le système qui ploie sous les dépenses. En réalité, la mécanique infernale est déjà enclenchée. Les mutuelles, et plus encore, les sociétés d’assurance, sont en embuscade et activent dans l’ombre pour s’emparer du gâteau. Bien sûr, personne n’osera proclamer qu’il veut vendre « la sécu » car c’est là tout l’art de la politique. Mais mesure après mesure, on se dirige vers un affaiblissement de la structure, on la fait « maigrir » et, in fine, on proclamera qu’elle en peut survivre sans apport de capital frais (et privé).

Salaires en berne, inégalités en hausse

La question du pouvoir d’achat, et donc des salaires, est elle aussi centrale. Dans un contexte où la mondialisation a eu pour effet de lisser les revenus des classes moyennes (on dira aussi qu’elle a contenu l’inflation…), la parade de ces deux dernières décennies a été de recourir au crédit en guise de compensation. Le problème, c’est que le système atteint ses limites et que les dynamiques de consommations se tassent. A force de priver les ménages de ressources, le capitalisme est en train de se pénaliser lui-même. Les inégalités se creusent, les rémunérations des actionnaires augmentent et les plus riches voient leur patrimoine augmenter. Dans une telle situation, on se demande comment les explosions sociales ne sont pas plus nombreuses.

(*) « Les Français et les programmes politiques », sondage OpinionWay réalisé les 1er et 2 mars 2017 sur un échantillon de 1 039 personnes. www.printempsdeleco.fr

Note : le titre de cette chronique fait allusion au fameux slogan de Bill Clinton lors de sa campagne électorale victorieuse de 1992 face à George H. W. Bush. Ce slogan, « it’s the economy, stupid » est attribué à son conseiller James Carville et il était destiné à contrer le discours électoral de Bush qui insistait sur la victoire militaire américaine durant la première guerre du Golfe (février-mars 1992)
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dimanche 26 mars 2017

Patrimoines mutilés

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Par, Akram Belkaïd





Mounir Bouchenaki, responsable du Centre de l’Unesco pour le patrimoine mondial dans la région arabe est actuellement en Algérie pour plusieurs conférences à Alger, Oran et Tlemcen. L’occasion pour lui d’évoquer la situation des trésors archéologiques dans le monde arabe et de présenter son dernier livre dont nous livrons ici un compte-rendu.

On lit ce livre avec un mélange d’intérêt, de tristesse et de colère (*). Certes, on sait depuis longtemps que les guerres ne signifient pas uniquement la mort de civils et la destruction d’infrastructures. Elles infligent aussi des dommages irrémédiables aux patrimoines culturels des pays touchés par les conflits. Comme le montre l’auteur, la liste des « vandalismes à grande échelle », n’en finit pas de s’allonger. Ancien directeur du patrimoine culturel en Algérie (1974-1981) et ancien haut-cadre au sein de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), Mounir Bouchenaki nous livre un témoignage sur plusieurs années de lutte pour protéger, réhabiliter et défendre ce qui n’est rien d’autre que l’héritage de toute l’humanité. Du site d’Angkor aux trésors archéologiques irakiens volés pendant et après l’invasion américaine de 2003, les exemples de pillages et de trafics organisés ne manquent pas. Là où frappe la guerre, les trésors architecturaux, les œuvres d’art, les pièces de valeur, font l’objet de razzias plus ou moins organisées. On lira avec attention les pages consacrées à l’Irak pour comprendre l’étendue des dégâts. Dans les années 1990, ce pays est soumis à un embargo qui l’empêche d’importer de nombreux produits. On sait que des dizaines de milliers d’enfants sont morts de ces restrictions. A un degré bien moindre en matière de tragédie, le musée de Bagdad sera envahi par les termites faute d’insecticides. Plus tard, au printemps 2003, le patrimoine irakien est pillé et détruit. En mission sur place, Mounir Bouchenaki découvre l’ampleur du saccage qu’une partie des gouvernements et médias occidentaux ont présenté comme le résultat de l’anarchie alors qu’il apparaît aujourd’hui que ce furent des entreprises criminelles dûment organisées et planifiées. Les autorités américaines raconteront que seules vingt-cinq pièces ( !) ont été volées du musée de Bagdad alors que les estimations les plus prudentes des experts compétents avancent le chiffre de… soixante-dix mille.

Mais aux dommages de la guerre (destructions et pillages à vocation de trafic et de revente sur les marchés internationaux), s’ajoute désormais la folie iconoclaste des groupes radicaux islamistes à l’image de l’Organisation de l’Etat islamique (OEI, souvent désignée par l’acronyme « Daech »). L’exemple des saccages de Palmyre est dans toutes les têtes et témoigne d’une certaine manière des dégâts auxquels peut mener une lecture erronée des préceptes coraniques. En tout état de cause, l’auteur ne cache pas l’importance des dégâts et leur caractère définitif : « Nous devons déplorer malheureusement des pertes irrémédiables sur les sites irakiens non encore inscrits sur la Liste du patrimoine, mais qui auraient pu l’être, comme Nimrud, considérée comme la seconde capitale de l’Empire assyrien, cité de grand prestige à l’époque du roi Assourbanipal et dont les vestiges ont été détruits au bulldozer, ou encore le site de Ninive, ancienne capitale de l’Assyrie au VIIe siècle avant l’ère chrétienne, et certains monuments de la ville de Mossoul dont le Musée a été saccagé en février 2015. Même Hatra, l’unique site d’Irak inscrit sur la Liste du patrimoine mondial jusqu’en 2003, n’a pas échappé au vandalisme filmé par leurs auteurs eux-mêmes en train de mutiler la statuaire qui ornait les murs des temples de la ville antique. »

Comme le montre l’ouvrage, la mobilisation pour sauver ce qui peut l’être existe. Les Nations Unies, des donateurs, certains gouvernements arabes agissent dans le sens de la préservation du patrimoine. Mais l’effort à déployer demeure immense. Un rapide regard sur l’état des vestiges culturels dans le monde arabe convainc de l’urgence d’une action d’envergure.


(*) « Patrimoines mutilés. Ces trésors de l’Humanité défigurés par la folie des hommes », Mounir Bouchenaki, préface d’Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, éditions ErickBonnier, coll. Encre d’Orient, 257 pages, 20 euros.
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jeudi 23 mars 2017

La chronique du blédard : Ni Macron, ni Fillon

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 23 mars 2017
Akram Belkaïd, Paris

Au départ, on s’était dit qu’un bon polar scandinave ou japonais ferait l’affaire ou bien, qu’avec un peu de courage, il serait peut-être possible de terminer l’un des multiples articles censés être rendus à une date butoir depuis longtemps dépassée. Une autre voix suggérait de rattraper le retard en matière de séries, de celles dont on n’a vu que les premiers épisodes il y a, on ne sait plus quand, et qui en sont aujourd’hui à la quatrième voire la cinquième saison. Tout sauf ce débat, se disait-on.

Et puis, un ado a voulu voir « le baston ». On a cherché à l’en dissuader mais devant son insistance, il a bien fallu s’installer avec lui devant le grand petit écran. Disons tout de suite que le boutonneux à la voix en perte d’octaves n’est pas resté assis plus d’une heure. Son écoute fut néanmoins attentive ponctuée parfois de questions pour mieux comprendre ce dont il s’agissait ou pour se faire préciser une notion agitée par l’une ou l’un des impétrants. A cela s’ajoutait quelques rires et applaudissements quand l’ineffable Jean-Luc faisait donner l’artillerie. Au final, avant de se lever pour rejoindre ses pénates, nous laissant accroché et incapable d’user de la télécommande pour regarder autre chose ou pour tout simplement s’endormir à une heure décente, il eut cette phrase en forme de couperet : « ‘Elle’ se comporte comme si elle avait déjà gagné. »

Et c’est effectivement cette même impression que nous avons retiré de ce premier débat pour l’élection présidentielle française. Bien sûr, se comporter comme si l’on avait déjà emporté la partie ne signifie pas qu’on va y arriver. Il est encore trop tôt pour avancer tel ou tel pronostic mais, c’est ainsi, il y a cette petite sensation désagréable, que disons-nous, ce malaise croissant qui incite à penser qu’avril prochain sera un remake de celui de 2002. On dira que c’est prévu depuis longtemps et que plus personne ne doute que la patronne du Front national sera qualifiée pour le second tour du scrutin. Précisons alors notre pensée. Cela risque bien d’être un autre « 21 avril » mais en pire.

Et ce pire pourra prendre plusieurs formes lesquelles pourront même se confondre car elles ne sont pas antagonistes. Il y a d’abord la possibilité d’un gros score, c’est-à-dire d’une avance bien plus importante que prévu. Une avance qui fera planer le doute sur le deuxième tour et qui empêchera la répétition du scénario 80%-20% de 2002. Le fumet putride qui se dégage actuellement du monde politique français contribuera à ce gros score. Pas un jour ne passe sans que des révélations ne tombent à propos du clientélisme et de l’affairisme ambiants. L’argent, les privilèges, le mépris du peuple et, surtout, cette certitude d’avoir le droit de ne pas respecter le droit, voilà ce dont il est question.

Quand les historiens se pencheront un jour sur cette période, ils relèveront à quel point la France ressemble désormais à ses post-colonies de la françafrique. Des margoulins qui paient des cadeaux à des hommes politiques – avec du cash dont on se doute qu’il vient d’Abidjan, de Libreville ou de Ndjamena en attendant que l’on apprenne qu’il pourrait aussi provenir d’Alger ou de Rabat… Des élus qui estiment que l’argent public leur appartient ainsi qu’à leur famille… Certes, l’Etat de droit fonctionne encore. La justice enquête. Corruption, abus de bien social, faux et usage de faux, escroquerie aggravée, recel,… Mazette, la belle liste que voilà ! Mais le mal est fait. En d’autres temps, la colère sourde et silencieuse, celle à propos de laquelle Jean-Paul Delevoye, alors médiateur de la République – c’était en février 2010 – avait tiré un signal d’alarme, se serait exprimée par le biais d’une jacquerie ou l’érection de barricades dans les rues de Paris. Aujourd’hui, le seul débouché pour cette rage multiforme est le vote pour le Front national.

Il y a ensuite cette vacuité que l’on a ressenti en entendant les autres candidats étaler des mesures et des promesses auxquelles ils semblent si peu croire. En l’état actuel des choses, deux adversaires semblent possibles face à la candidate frontiste : Emmanuel Macron ou François Fillon. D’un côté, la dynamique du vide, le « globish » à la sauce Molière, c’est-à-dire ce discours creux que l’on peut entendre dans les séminaires de motivation pour managers en quête d’avancement et de développement personnel. Du langage « HEC », si l’on préfère. De l’autre, le visage d’un Thénardier de notre temps, réactionnaire et partisan d’une thérapie de choc néolibérale dont on comprend tout l’intérêt qu’il a à se faire élire pour suspendre à son profit le temps de la justice.

Qu’il s’agisse de Macron, chouchou de la presse centre-gauche-caviar – qui a vu en lui le vainqueur d’un débat (!) – ou de Fillon visiblement heureux de ne pas avoir été malmené par deux « journalistes », au vrai des péagistes appelés à uniquement passer les plats, l’idée générale est que la candidate FN sera battue au final. Qu’entre les deux tours, la « mobilisation républicaine » battra son plein et que, comme 2002, des électeurs se rendront dans les bureaux de vote, les doigts pinçant leurs nez, afin de « faire barrage » en votant pour un candidat qui n’a pas forcément leurs faveurs. Attention à ce genre de certitudes… En tant qu’auteur de ces lignes, nous ne saurions prétendre au rôle d’échantillon représentatif mais qu’il soit dit, et la conviction est largement partagée, que ni Emmanuel Macron ni François Fillon ne méritent un bulletin de vote et cela même au nom d’un sauvetage républicain dont on ne peut oublier qu’il fit tant de cocus en 2002.
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