Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

vendredi 30 juin 2017

La chronique du blédard : Une Journée au Soleil

_
Le Quotidien d’Oran, jeudi 29 juin 2017
Akram Belkaïd, Paris


Le phénomène n’est pas nouveau et il a été évoqué dans ces colonnes il y a presque une décennie (1). En France, les zincs, les rades, les bistrots, les rades, les troquets, les caberlots, les caboulots, les estancos, les bougnats et autres boui-boui disparaissent. L’année dernière, l’Ifop a publié une étude au constat implacable. Il y avait 600.000 cafés dans l’Hexagone en 1960 et il n’en restait plus que 34.669 en janvier 2016. Ce phénomène en dit long sur la transformation sociale et économique de ce pays. Il raconte l’importance de la mutation des classes populaires et l’émergence de nouvelles formes de restauration (fast-food, kebabs, etc…). Il met aussi en relief le déséquilibre entre villes et campagnes puisque c’est dans ces dernières que la diminution du nombre d’établissements est la plus brutale. En un mot, examiner sur le sort des cafés, c’est ouvrir les portes de l’histoire. C’est prendre la mesure d’une tendance lourde.

Marie-Joëlle Rupp et Arezki Metref ont eu l’idée de se pencher sur l’histoire de l’immigration algérienne, et plus particulièrement kabyle, en France. Et quel meilleur endroit pour le faire qu’un café ? Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de l’établissement Le Soleil situé dans le XXème arrondissement en plein Belleville-Ménilmontant. Le Paris des titis, des luttes ouvrières et révolutionnaires. Celui aussi du maquisard « Grêlé 7/13 » (dessins de Lucien Nortier et Christian Gaty, scénario de Roger Lecureux). Le Soleil… C’est dans cette endroit très connu, qui demeure encore un « vrai » café parisien car il résiste à la tendance du « lounge » - cela même si sa clientèle se boboïse -, que les deux journalistes ont posé leur caméra. Ils y ont recueilli plusieurs témoignages qui font la trame d’un documentaire passionnant (2).

Dans la longue saga de l’immigration algérienne, la place du café est loin d’être anecdotique. Elle est presque équivalente à celle de l’usine, de la mine ou des « habitats précaires », autrement dit les bidonvilles. C’est, comme le racontent les personnalités interrogées, le premier lieu vers lequel converge celui qui arrive du pays à partir du début du vingtième siècle. Très loin de chez soi, on cherche les gens de son village, les siens, ceux qui permettront l’adaptation, trouveront un emploi ou un logement. Souvent, l’endroit possède des chambres au-dessus de la salle. On s’y installe, on y dort, on y fait à manger. On parle du bled. On y donne ou on y reçoit des nouvelles. Promiscuité, certes mais aussi une autonomie…

Il existe encore des cafés de ce genre. L’un d’eux, dans le sud-ouest de Paris s’appelait La Baraka. Chambres à petit prix et couscous royal au menu. Et puis la mode du lounge a frappé. La devanture classique avec son enseigne lumineuse et son rideau de toile rouge, comparable à celui du Soleil, ont disparu. Le bois a remplacé le carrelage au sol et le zinc du comptoir. Le prix du petit noir a quasiment doublé. Les bobos et les affreux hipsters sont arrivés et il y a souvent du quinoa en plat du jour… Mais revenons au documentaire.

Le café, donc. Si loin mais si proche de la Djemâa du village. L’endroit où des forces contradictoires s’affrontent. Les unes, conservatrices, appliquent la loi de la collectivité sur l’individu. Si l’on dérape, il est des voix fermes qui rappellent qu’une partie du salaire doit absolument et toujours être envoyée au pays. Les autres, moins contraignantes, ouvrent la voie au changement et à l’affranchissement. Au café, on boit, on joue aux dominos, à la ronda espagnole ou à d’autres jeux de hasards. Dans un milieu exclusivement masculin, des artistes vont d’établissements en établissements et chantent les affres de l’exil ou plutôt el-ghorba, ce terme arabe qui dit à la fois le fait d’être loin de chez soi et d’être étranger. Et parmi ces chanteurs, il y a bien sûr l’incontournable Slimane Azem.

Mais le café, dans l’histoire de l’émigration algérienne, c’est aussi une guerre civile dans la guerre d’indépendance. Bagarres, mitraillages, attentats, exécutions : FLN contre MNA, groupes de choc contre messalistes. Contrôler le café, c’est avoir le pouvoir sur la communauté. C’est récolter les cotisations, c’est faire passer les mots d’ordre du Front. Comme le raconte l’un des témoins du documentaire, le visage inconnu qui franchit le seuil d’un café termine le plus souvent dans la cave. Descendre à la cave pour y être « interrogé » avec, parfois, une conclusion fatale. Cette cave utilisée aussi par les bleus de chauffe, autrement dit les commandos harkis, qui firent la guerre au FLN et à ses sympathisants dans les quartiers nord de Paris, Goutte d’or en tête.

Quelques années et une indépendance plus tard, les cafés devinrent un lieu d’affrontement entre l’Amicale des Algériens en Europe, pilotée par Alger, et l’opposition, notamment berbériste. C’était un temps où, même en France, distribuer des tracts contre le régime de Houari Boumediene ou de Chadli Bendjedid n’était pas exempt de risques. C’est donc toute cette histoire que le documentaire de Marie-Joëlle Rupp et Arezki Metref raconte. Une histoire qui continue. Si les cafés, y compris ceux possédés par des Kabyles, tendent à disparaître, des germes d’affrontements à venir entre Algériens existent. Il y eut les années 1990 qui virent une nouvelle diaspora trouver du réconfort en se retrouvant dans quelques zincs parisiens. Aujourd’hui, l’échec patent de l’Algérie engendre ébullitions et surenchères identitaires. Cela n’est pas sans conséquence sur les diasporas. On sort ainsi du visionnage du documentaire avec le sentiment d’avoir appris beaucoup de choses sur l’histoire du pays mais aussi avec une pointe d’inquiétude, pour ne pas dire d’angoisse, quant à sa cohésion future.


(1) Œuf dur, tartines et gros bol de café noir, chronique du blédard n° 143. Le Quotidien d’Oran, jeudi 10 janvier 2008.
(2) Une journée au soleil, documentaire de 56’, SaNoSi productions, 2017.

 _ 

samedi 24 juin 2017

La chronique du blédard : Honte

_
Le Quotidien d’Oran, jeudi 22 juin 2017
Akram Belkaïd, Paris

S’il faut évoquer la période que vit actuellement l’Algérie, il ne serait pas anormal ni outrancier de la qualifier de temps du désarroi et de l’accablement. Pour celui qui vit à l’étranger et qui reste profondément attaché à sa terre natale, c’est la première chose qui vient à l’esprit quand il lit les nouvelles en provenance du pays. On sait que le flux d’informations, d’où qu’il vienne, est rarement optimiste mais, dans le cas présent, on cherche en vain quelque chose d’optimiste à laquelle on pourrait se raccrocher. Pire, au-delà de l’habituelle litanie sur la vacuité de la scène politique et de la prégnance d’une bigoterie d’un autre âge, il y a des événements qui sidèrent.

Le sort des familles syriennes expulsées et reléguées dans le no man’s land aux frontières algérienne et marocain représente un scandale absolu, une insulte infligée aux valeurs humaines et civilisationnelles dont les Algériens s’enorgueillissent (et l’on se demande bien à quel titre ils le font aujourd’hui). Il y a quelques semaines, la diffusion d’un documentaire sur le passé progressiste et militant de l’Algérie a fait grand bruit et déclenché une vague de fierté nationale pour ne pas dire de chauvinisme (1). Même si certains commentateurs ont rappelé que l’Algérie des années 1960 et 1970 n’était pas un havre de démocratie et de liberté, il n’en demeure pas moins que le pays, et ce fut à son honneur, a accueilli alors nombre de réfugiés et de révolutionnaires demandeurs d’asile. Citons, par exemple, les ressortissants chiliens chassés de chez eux par la sanglante répression du régime de Pinochet après le coup d’Etat contre le président Allende (11 septembre 1973).

Où est passé cet engagement ? Où est passé le devoir d’hospitalité dont nous nous prévalons quand nous donnons des leçons aux Européens, et notamment aux Français, qui refusent d’accueillir les réfugiés ayant traversé la Méditerranée au péril de leur vie. En 2017, des hommes, des femmes et des enfants qui ont fuit une guerre civile terrible, se retrouvent dans la rocaille au milieu de nulle part, interdits d’installation dans un pays « frère » qui prétendait, jadis, incarner le combat pour la dignité des plus démunis. Ces Syriens, dont on n’a même pas à savoir s’ils sont pour Assad ou contre lui, sont les nouveaux Damnés de la Terre. Même le fait qu’ils soient arabes et musulmans ne compte pas. Ce n’est pas un argument qui mérite d’être retenu. Ce sont juste des êtres humains qui demandaient de l’aide à un pays qu’ils pensaient généreux.

Il faut rendre hommage aux associations algériennes, marocaines et tunisiennes, sans oublier celles qui activent en Europe, qui ont appelé à la solidarité avec ces réfugiés (2). Ces collectifs opiniâtres sauvent ce qui peut être sauvé dans ces temps de peu où l’honneur de leurs propres pays et sociétés fait tant défaut. Le 20 juin était la journée mondiale des réfugiés. Le Maroc en a profité pour annoncer qu’il allait se pencher sur la situation de ces familles. La vile compétition entre deux régimes qui détruisent l’espérance maghrébine continue et, dans le cas présent, elle se fait sur le dos de pauvres gens qui ont tout perdu.

Evoquons maintenant une autre information qui a beaucoup été commentée sur les réseaux sociaux. On aurait pu d’ailleurs revenir sur la « caméra cachée » imaginée par des esprits dérangés pour piéger l’écrivain Rachid Boudjedra ou d’autres personnalités. Mais c’est la mort violente d’un enseignant qui retient notre attention. Karoui Serhan, professeur à l'université de Khemis Miliana a été assassiné, à coups de marteaux, le 18 juin dernier par deux « étudiants ». Le mobile ? L’enseignant a empêché les deux mis en cause de tricher à un examen… Ce n’est pas le premier acte de violence que connaît l’université algérienne où la baltaguiya va et vient à sa guise, molestant enseignants et personnel administratif. Mais c’est la première fois, semble-t-il, qu’il y a mort d’homme.

La violence que l’on pensait circonscrite aux groupes armés, ou du moins à ce qu’il en reste, a gangréné la société. Comment pouvait-il en être autrement quand le savoir, la production intellectuelle, la transmission, sont à ce point dévalorisés par le pouvoir et ses représentants divers. Quelle est la dernière fois où nous avons entendu (ou lu) un responsable politique ou économique disserter sur telle ou telle œuvre ? Quand on croise ces gens - comme lorsqu’ils assistent à une conférence internationale à l’étranger – on a l’impression désagréable d’être en face d’erreurs de casting. De gens médiocres, imbus d’eux-mêmes, sûrs de leur bon droit et dont la mission est de débarrasser le pays de toute forme d’intelligence et de créativité. Au point que le présent chroniqueur fuit désormais ce genre d’événement pour ne pas subir l’intenable spectacle d’une honte, encore une autre, infligée à l’Algérie.

Addendum (24 juin 2017) : Bouclée avant que le scandale ne survienne, cette chronique aurait pu aussi évoquer la question du racisme de certains médias algériens à l’égard des migrants subsahariens en Algérie. Les crétins qui s’en prennent à nos frères, notamment Maliens, font honte à l’Algérie et aux Algériens. Ils souillent l’honneur de leur pays.

(1) « Alger, la Mecque des révolutionnaires », de Mohamed Ben Slama.
(2) Lire « Réfugiés syriens bloqués à la frontière algéro-marocaine : Nouvel appel d’associations maghrébines, syriennes et françaises », Maghreb Emergent, 20 juin 2017.

 _

vendredi 23 juin 2017

Pleine Lune sur Maghreb : Extrait 14/14 : Paris

 

 _

« Je suis épuisée, je n’y arrive plus. Mon cerveau refuse de traduire, ma main ne peut plus écrire et mon ordinateur fonctionne au ralenti. Un virus, sûrement. Il faut pourtant que je m’y remette. J’ai plusieurs jours de retard et il me faut cet argent. L’éditeur attend mon texte. Ce sera mon cadeau d’au-revoir, une vaine tentative de me faire regretter. Mais je ne me fais aucune illusion, je serai vite oubliée. Un matin, devant une machine à café, quelqu’un dira mais qu’est donc devenue cette traductrice qui travaillait si lentement ? Vous savez bien, cette Libanaise ou Jordanienne, je ne sais plus. On lui répondra peut-être. Ou pas. Et puis la conversation glissera sur autre chose. Des manuscrits à corriger, un auteur à relancer. Où serai-je alors ? Que serai-je ? » 
_

jeudi 22 juin 2017

Pleine Lune sur Bagdad : La recension du HuffPostMaghreb

_

Pleine Lune sur Bagdad d'Akram Belkaïd : De l'Atlantique au Golfe, des femmes et des hommes dans la nuit de Hulagu-Bush

Par   

Ceux qui ont pu visiter l'Irak sous embargo en 2002, alors que s'accumulaient les nuées malsaines de la guerre, pouvaient sentir de Baghdad au Nadjaf, et sans doute jusqu'à Basra, que le désespoir avait une consistance palpable, matérielle. Si lourde que certains en arrivaient à voir dans le cataclysme qui s'annonçait une issue possible.
Beaucoup admettrons par la suite que c'était une illusion, une fausse issue, pour les peuples et les individus d'Orient ou du monde arabe qui sont un peu comme les humains dans la mythologie grecque constamment ballotés entre les humeurs changeantes des Dieux de l'Olympe.
Le magnifique recueil de nouvelles d'Akram Belkaïd qui se lit comme un roman polyphonique avec des personnages qui s'entrecroisent tous dans un moment où un des Dieux de l'Olympe moderne, de l'Empire, donne l'ordre d'entamer le carnage, m'a replongé dans l'Irak de 2002.

Pleine Lune sur Bagdad : Recension par OrientXXI

_
La nuit du 20 mars 2003, l’Irak est envahi par les États-Unis et leurs alliés. Les personnages des quatorze nouvelles de Pleine lune sur Bagdad de notre collaborateur Akram Belkaid vivent à Bagdad, Damas, Casablanca, Koweït City... ou même à Washington. Ils savent dès cette nuit qu’ils entrent dans un temps de violence et de souffrances dont ils seront — dont ils sont déjà — à la fois victimes et acteurs.
Le quatorzième jour du mois lunaire apparait la pleine lune. On distingue alors clairement des détails invisibles d’ordinaire : ce que font les gens chez eux ou dehors à pareille heure, où ils vont, avec qui. Entre croissance et décroissance, l’astre plus luminaire que jamais invite à la méditation, au silence, au jeûne ou au rêve. Un temps propice à d’autres paroles, aux récitations de poèmes, dans lequel l’ordre et le sens des mots parviennent parfois à exprimer mieux que d’habitude – ou différemment — malaises, inquiétudes et angoisses.

La suite est à lire ici : http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/pleine-lune-sur-bagdad-d-akram-belkaid,1908
_

Pleine Lune sur Bagdad : Extrait n°13 : Casablanca

_
« Que dit la nuit ? Oui, que nous dit-elle de Casablanca ? Ou, plutôt que nous montre-t-elle ? Tournons le dos à l’océan agité et à la grande mosquée baignant dans sa muette solitude. Regardons vers le nord-est. Nos yeux balayent un entrelacs de petites collines hérissées de maisons de lune. Des semis d’habitations construites à la hâte, dans l’obscurité, avant que le jour ne se lève et que le bidonville dont il est ici question ne réalise que de nouveaux arrivants viennent de s’y installer. C’est une mer difforme où tanguent des chicots en ciment, ou en boue séchée, avec des toits de tôles ondulée sur lesquels on a posé quelques parpaings friables pour se prémunir des caprices du vent. Sous les faisceaux ivoire, c’est un tableau silencieux de désolation et de misère. Des fils électriques enchevêtrés, quelques citernes en plastique aux couleurs vives et les inévitables antennes paraboliques, liens aliénants vers un ailleurs impossible à atteindre. Regardez bien cette misère, amusez-vous de ces poules et de ces moutons que l’on parque comme on peut. Sentez, allez-y, forcez-vous à le faire, humez cette puanteur venue des venelles aux lits creusés par les eaux usées et qui ne verront jamais de goudron ou de trottoirs. Voilà, maintenant, vous savez. Vous pouvez comprendre ou deviner. Vous ne pouvez ignorer. »
_

mercredi 21 juin 2017

Pleine Lune sur Bagdad : Extrait n°12 : Beyrouth

_
« Il est des lieux où les nuits de pleine lune sont les plus majestueuses. En lisant ceci, certains vont penser au Sahara, aux steppes de Mongolie, aux océans et à leurs immensités respectives. D’autres évoqueront les Alpes ou bien alors le Sinaï ou encore les massifs verdoyants qui surplombent la cité de Nizwah dans les terres intérieures du sultanat d’Oman. Il ne s’agit pas de les contredire car ces points de vue sont largement fondés et respectables. Mais il faut rajouter à cette liste Beyrouth, aimée de la mer, de la montagne et des cieux. Se promener sur la corniche, déambuler du côté du Raoucheh et, du haut des falaises, abandonner son regard à la danse des reflets de l’astre dans les flots sombres : bien malchanceux sont celles et ceux qui n’ont pu éprouver un tel enchantement. »
_

mardi 20 juin 2017

Pleine Lune sur Bagdad : Extrait n°11 : Tunis

_
« Cette nuit, le qouwad est inquiet. Monçof et Khaled, ses deux compagnons de beuverie sont déjà bien imbibés et ils multiplient les toasts les plus farfelus. Si l’un lève sa bouteille à la santé d’Oussama Ben Laden et de Saddam Hussein, l’autre renchérit en rendant hommage à Madonna, à Monica Lewinsky et Anna Nigrasse. Jusque-là, rien de bien grave. Mais voici que l’un d’eux crie « A la santé de Chirac ! Un homme, un vrai ! » et son compère réplique par un strident « A notre président ! Un flic, un vrai ! ». Certes, cette cave où ils sont réunis depuis le milieu de la soirée n’a ni fenêtre ni soupirail mais Mehrez connaît bien la vérité absolue du pays : la terre et le sous-sol sont comme les murs, ils ont des oreilles. »
_

La chronique économique : Euro fort, dollar faible

_
Le Quotidien d'Oran, mercredi 14 juin 2017
Akram Belkaïd, Paris


A la fin de l’année 2016, une prévision faisait consensus sur le marché des changes. Dans les semaines qui devaient suivre, l’euro et le dollar seraient à parité parfaite (1 pour 1) et l’on pensait même que la monnaie unique s’engagerait dans un cycle baissier des plus incertains voire des plus inquiétants. Six mois plus tard, il n’en a rien été. L’euro est orienté à la hausse et le dollar baisse après un fort élan ascendant. Alors que la parité actuelle est de 1 euro pour 1,12 dollar, des analystes agitent désormais un niveau d’échange plus que symbolique de 1 euro pour 1,25 dollar. Comment expliquer un tel retournement de tendance ?

Trump et populisme

Pour comprendre cette évolution, il faut se souvenir que les marchés se nourrissent souvent d’anticipations fussent-elles contradictoires. D’un côté, la perspective d’une politique monétaire restrictive de la Réserve fédérale poussait le dollar à la hausse. En effet, quand les taux courts augmentent, cela rend la monnaie attractive pour les investisseurs, ce qui débouche sur son appréciation. De plus, l’économie américaine paraissant alors plus dynamique que son homologue européenne, les marchés ont assisté à une hausse sensible du billet vert, d’où l’émergence de l’idée d’une prochaine parité parfaite. Et c’était d’autant plus vrai que l’Europe incitait à la prudence ou au pessimisme avec le Brexit et la montée des populismes, y compris en France.

Le temps a passé et d’autres facteurs ont incité le marché à changer d’avis. Il y a le fait que les projets de grands travaux d’infrastructures voulus par le président Trump risquent d’aggraver des déficits qui sont repartis à la hausse alors que la précédente administration les avait diminués de moitié (12% à 6% du Produit intérieur brut sous Obama). De quoi stopper la progression du dollar et d’inverser la tendance. De même, l’élection présidentielle française a convaincu plusieurs opérateurs que les risques politiques en Europe ont diminué et que l’euro n’est plus menacé. Ce dernier pourrait même être «la » grande vedette des marchés en 2017. Mais rien n’est encore joué.

Les autorités européennes, de même que le Japon, voient d’un mauvais œil la baisse du billet vert. Cela sape la compétitivité de leurs exportateurs tandis que les entreprises de la zone dollar sont avantagées. La Banque centrale européenne (BCE) a indiqué qu’elle continuera à injecter des liquidités, au moins jusqu’à la mi-2018, ce qui signifie des facteurs baissiers pour l’euro. De son côté, Donald Trump n’a pas renoncé à imposer aux entreprises américaines de rapatrier une partie de leurs trésoreries à l’étranger. Cela pourrait se traduire par un afflux de plusieurs centaines, voire des milliers, de milliards de dollars vers les Etats-Unis. Mécaniquement, cela engendrera une hausse de la devise américaine. Les marchés étant le plus souvent un équilibre entre tendances contraires, chacun s’accorde aujourd’hui pour dire que la parité la plus probable pour les prochains mois sera de 1 euro pour 1,15 dollar.

En attendant une crise

A moins qu’une grave crise ne survienne cet été, côté américain, les prémisses d’un long feuilleton judiciaire où Donald Trump serait le principal protagoniste se dessinent. Relations avec la Russie, conditions du limogeage du patron du FBI et conflits d’intérêts sont à la source de mises en accusations en cours ou prévisibles. Cela aura un impact sur la valeur du dollar qui pourrait alors plonger. A l’inverse, la crise grecque qui peut à tout moment rebondir peut pénaliser l’euro. Quoiqu’il en soit, on n’a pas fini de reparler de la parité euro-dollar.
_

lundi 19 juin 2017

Pleine Lune sur Bagdad : Extrait n°10 : Washington D.C.

_

_

« Dix-sept heures à Washington, district de Columbia, capitale fédérale des Etats-Unis d’Amérique, cœur de l’hyperpuissance impériale et cité du gossip et des milles intrigues. Ali Bacha sort d’un immeuble discret de K Street. Il y a passé la journée en compagnie de représentants de l’administration Bush et d’une flopée de conseillers en affaires publiques, dénomination habituelle pour désigner les lobbyistes dont la densité dans cette partie nord-ouest de la rue est la plus élevée au monde. De grande taille, mince, la soixantaine alerte, le profil aquilin, les yeux bleus et une chevelure blanche plaquée vers l’arrière, l’homme porte beau et attire immanquablement regards et sourires. C’est d’autant plus vrai qu’il affiche une mine détendue laquelle tranche avec la tension lasse des gens qui viennent de débaucher, la plupart mus par l’envie de rentrer au plus vite chez eux. Cela passera par une bonne heure, voire plus, dans le métro ou le train de banlieue puis, peut-être, autant sur la route. »
_

vendredi 16 juin 2017

La chronique du blédard : Au stade de France

_


Le Quotidien d’Oran, jeudi 15 juin 2017
Akram Belkaïd, Paris

Stade de France, Saint-Denis, neuf-trois, mardi soir. Les Bleus rencontrent l’Angleterre en amical. Dernier match de la saison. Sorties scolaires, de nombreuses familles avec leurs jeunes enfants aux joues tricolores. Quelques supporters anglais. Tranquilles. Des drapeaux bleu-blanc-rouge partout. Des cadres plus-plus, des bobos, aussi, des dames en talons aiguilles... Ambiance de kermesse aux abords du grand temple du football. Il y a tout de même une appréhension, légère, mais réelle. Dès la sortie du métro (ligne 13 en ce 13 juin, ne soyons pas superstitieux), des CRS en armes, doigts proches de la gâchette pour certains. On pense à l’autre fois, le 13 novembre 2015. A Manchester. A Londres. Mais chassons vite ces idées noires ; ce soir, c’est fête. Un peu trop même. On y reviendra.

Aux abords du stade, les habituelles baraques à merguez ont disparu. Le kebab l’a emporté. Grand verre de bière à huit euros, petite barquette de frites à trois. Les files d’attente sont longues et les affaires bonnes. Par contre, on plaint les vendeurs d’écharpe souvenir. Qui voudrait d’un lainage par un beau temps pareil ? Présence policière oblige, les revendeurs de billets se font discrets. Ils ont toujours la même technique. « Je cherche des billets » proclame l’ardoise brandie par l’un d’eux. Comprendre, j’en vends, que celui qui en cherche s’adresse à moi. Message implicite qui est censé éviter une interpellation pour revente interdite. Souvenir. Coupe du monde 1998, en ce même endroit. Un supporter anglais qui se fait gruger. Un billet dont il ne découvre qu’il est contrefait qu’au moment du passage au contrôle. Entretemps, le filou a filé. Cruels, les amis du floué éclatent de rire…

Quand on pénètre dans le stade, il y a toujours ce moment magique, à part, où l’on découvre le vert du gazon en rectangle. Il faut s’arrêter quelques secondes et en profiter. C’est un peu comme si deux mains tièdes se posaient délicatement sur les yeux. Mais l’enchantement passe vite. Un braillard au micro entend être le maître-ambianceur. Il donne des instructions. Il ordonne de chanter, d’applaudir, et le public suit. Allez spectateur, mets-toi debout et plagie les Islandais en imitant leur « clapping »… Il fut un temps où les supporters de foot n’avaient pas besoin qu’on leur dise quoi faire, quand chanter ou quand applaudir. Mais là, c’est de « l’animation », de l’entertainement, ce sport-spectacle, un peu comme dans les stades américains où la réclame distribue gratuitement des pizzas et du pop-corn.

La Garde républicaine joue et chante « Don’t look back in anger », un vieux tube d’Oasis devenu l’hymne d’hommage aux victimes de l’attentat de Manchester puis de celui de Londres. Le refrain est repris par les supporters anglais. And so, Sally can wait. She knows it’s too late as she’s walking on by… Ne pas regarder derrière avec colère. Belle devise que les deux frères Gallagher, auteurs de la dite chanson (un brin psychédélique) feraient mieux d’appliquer, eux qui continuent à se bastonner par médias interposés. Mais ceci est une autre histoire.

Viennent les hymnes. La fanfare commence par celui de la France et enchaine ensuite avec le God Save The Queen dont les paroles sont affichées sur l’écran (l’ambianceur a exhorté le public à chanter). Cette inversion de l’ordre protocolaire signifie aux Anglais qu’ils sont chez eux (ces derniers avaient fait la même chose, le 17 novembre 2015 pour Angleterre-France, quelques jours après les attentats de Paris). Après la minute de silence (comportement correct pour quatre-vingt dix neuf pour cent du public mais il y a toujours quelques abrutis qui se sentent obligés de crier quelque chose), la rencontre débute enfin, rapide, engagée mais sans vrai enjeu.

Regarder un match au stade, dans l’anonymat, loin de la tribune de presse (dernier carré de beaufs dans un environnement largement boboïsé), c’est être à la fois concentré et détaché. C’est suivre en grand plan le jeu, et garder un œil sur ce qui se passe ailleurs. Les stadiers qui tournent le dos à la rencontre pour surveiller les spectateurs (quelle punition…), le gardien de but et sa solitude temporaire quand l’action se déroule à l’autre bout du terrain sans oublier les comportements des uns et des autres dans les gradins, pardon sur les sièges (numérotés…). Un stade, c’est aussi un grand morceau de ciel, dégagé et profond, aux couleurs changeantes au fil de la soirée. De l’azur, on passe à l’orangé et l’on termine avec le mauve nocturne. Magie…

C’est le moment où la petite bande de rigolos assise derrière le présent chroniqueur rompt avec ostentation le jeûne. Propres sur eux, accent et attitude ouèche-ouèche, le détail de la rencontre, à dire vrai, ne les intéresse guère. Ce qui compte pour eux, c’est l’évolution des cotes de paris sur les sites spécialisés. Jeûneurs mais parieurs, les cocos. Un exemple, parmi tant d’autres, de « self-islam »... Avec leur smartphone (merci la 4G et le wifi gratuit), ils passent d’un lien à l’autre, et misent sur presque tout et n’importe quoi. Qui va l’emporter, quelle équipe va marquer, qui va être remplaçant… Ça se dispute, ça argumente et ça rate même un but parce que c’est allé chercher à boire. L’un est heureux, il vient de remporter cent euros. Un autre est « vénère », puisqu’il a perdu quatre vingt euros après une mise foireuse. Un pari, même sur internet, c’est toujours la rencontre d’une crapule et d’une bonne poire.

Le match continue. Un joueur français est expulsé. Pénalty décidé après recours à la vidéo et transformé par les Anglais. Le public, lui, s’amuse. C’est le grand moment de la ola, cette grande vague venue des Etats Unis et du Mexique. Même le président français Emmanuel Macron et la première ministre britannique Theresa May se prêtent à cette stupidité qui n’est rien d’autre qu’un manque de respect au jeu et aux joueurs (sauf à vouloir leur signifier qu’on s’ennuie et qu’on passe le temps comme on peut). Finalement, la mer humaine se calme, les parieurs font leur compte, la France marque un troisième but et l’emporte. Un avion glisse au loin et une adolescente, quelques sièges plus bas, s’emporte parce que son beau chéri Griezmann ne jouera pas ce soir…

C’est l’heure de rentrer. Quelques chants fusent ici et là. Les gamins ont des mines ravies, c’est peut-être le plus important. Ce match et son ambiance estivale seront vite oubliés. En avançant au pas vers le métro, on se prend à penser avec nostalgie aux stades avec places debout, sans ambianceur, sans olas, sans wifi et sans sites de paris. Oui, je sais : don’t look back


Pleine Lune sur Bagdad : Recension d'OrientXXI

_



LA NUIT DE L'INVASION DE L'IRAK EN 14 NOUVELLES

La nuit du 20 mars 2003, l’Irak est envahi par les États-Unis et leurs alliés. Les personnages des quatorze nouvelles de Pleine lune sur Bagdad de notre collaborateur Akram Belkaid vivent à Bagdad, Damas, Casablanca, Koweït City... ou même à Washington. Ils savent dès cette nuit qu’ils entrent dans un temps de violence et de souffrances dont ils seront — dont ils sont déjà — à la fois victimes et acteurs.

Le quatorzième jour du mois lunaire apparait la pleine lune. On distingue alors clairement des détails invisibles d’ordinaire : ce que font les gens chez eux ou dehors à pareille heure, où ils vont, avec qui. Entre croissance et décroissance, l’astre plus luminaire que jamais invite à la méditation, au silence, au jeûne ou au rêve. Un temps propice à d’autres paroles, aux récitations de poèmes, dans lequel l’ordre et le sens des mots parviennent parfois à exprimer mieux que d’habitude – ou différemment — malaises, inquiétudes et angoisses.

La suite est à lire ici :
La nuit de l'invasion de l'Irak en quatorze nouvelles
_



_

Pleine Lune sur Bagdad : Extrait n°8 : Alger

_
« La nuit s’est installée sur l’hôpital Mohamed Seddik Benyahia, dans la banlieue est d’Alger, là où les terres agricoles glissent doucement dans la mer. Hafs, chirurgien et urgentiste, fume en scrutant le ciel. Indifférent au froid et à l’humidité, il est assis à même le gravier, le dos posé contre la façade borgne de la morgue. L’endroit et tous les bâtiments sont plongés dans l’obscurité depuis le début de la soirée. Une panne ou peut être un sabotage... Tout à l’heure, quand l’électricité est partie et que le groupe électrogène s’est déclenché dans un fracas de pétarades et de vapeurs de mazout, Hafs est monté sur le toit d’une ambulance pour regarder vers l’ouest. Là-bas, de l’autre côté de la baie, les scintillements de la capitale avaient disparu eux-aussi. Pourtant, la ville lui a paru plus blanche que d’habitude, comme si un projecteur était braqué sur elle depuis les cieux. A quoi bon tant de lumière, a-t-il pensé. Alger, fidèle à ses tristes habitudes nocturnes, devait déjà dormir, ses rues envahies par un calme sinistre. »
_

jeudi 15 juin 2017

Pleine Lune sur Bagdad : Extrait n°7 : Le Caire

_
« Mon général, ma bonne vielle Mouzahem,
J’espère que cet écrit te trouvera dans un très mauvais état. Avant toute chose, sache que je me trouve encore au Caire et que je ne rentrerai pas à Bagdad malgré tes ordres. C’est simple : je déserte et c’est donc avec une immense joie que je t’adresse mon dernier rapport de surveillance de la très respectable Nâzik al-Malâïka. Ne sois pas tenté de déchirer cette missive. Je te conseille de la lire jusqu’au bout car il est bon pour un homme, même s’il est diminué comme tu l’es à maints égards, d’apprendre quelques vérités à son propos et sur le triste monde dans lequel nous vivons. Bois un verre de whisky mon gros, ravale tes jurons, lâche quelques pets et arme-toi de patience ; tu ne seras pas déçu. »
_  

mercredi 14 juin 2017

Pleine Lune sur Bagdad : extrait n°6 : Koweït-City

_
« Majboune s’éveille alors que le point du jour est loin de s’annoncer dans le quartier huppé de Salwa à Koweït-City. C’est un homme massif, adipeux, qui dévale la colline de la soixantaine. Il repose sur le flanc, torse nu et jambes hors des draps. Une épaisse moustache grise lui barre le visage et son crâne rasé s’enfonce dans un oreiller trempé de sueur et de bave. En apparence, il dort encore. C’est pourtant un spectacle trompeur car une chimie irréversible le ramène à la surface des choses. Ni l’embrasement de la pleine lune qui transperce les stores de sa villa, ni le proche sifflement d’une turbine d’hélicoptère n’en sont responsables : un rêve, agréable mais bref, vient d’interrompre son sommeil. »
_

mardi 13 juin 2017

La chronique économique : La Chine en champion du climat

_
Le Quotidien d’Oran, mercredi 7 juin 2017
Akram Belkaïd, Paris

La décision du président Donald Trump de retirer son pays de l’accord de Paris sur le climat n’est pas une surprise. Cela faisait partie de son projet électoral et nombre de ses déboires depuis son investiture (plusieurs de ses projets de loi ont été rejetés ou bloqués) expliquent qu’il veuille à tout prix garder un semblant d’initiative politique. Il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences de ce retrait par rapport à un texte qui n’entrera en vigueur qu’en 2020, c’est-à-dire l’année électorale où Trump remettra en jeu son mandat. Pour autant, l’un des grands enseignements de cette affaire est la position en pointe de la Chine.

Engagement chinois

Outre le fait que ses dirigeants ont fait part de leur déception et de leur préoccupation face au retrait annoncé des Américains, la Chine fait partie de ces pays qui ont l’intention de soutenir l’accord de Paris. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est d’ordre institutionnel. Depuis des décennies, Pékin est un fervent défenseur du multilatéralisme. Un accord signé par plusieurs pays au sein d’une instance internationale vaut plus pour les dirigeants chinois que des engagements bilatéraux qui excluraient les plus faibles ou les moins influents.

La seconde raison est d’ordre environnemental. Pour qui a voyagé en Chine, notamment dans les villes du littoral, il est évident que ce pays bat des records de pollution. De manière récurrente, des scandales éclatent, liés à la qualité de l’air ou de l’eau, à l’alimentation ou au respect de la nature. Cela fait plusieurs années que le problème a été identifié par le PC chinois et assimilé à une vraie menace interne ne serait-ce que parce qu’elle peut aggraver les tensions sociales et amplifier le phénomène des migrations intra-régionales.

La troisième raison est économique. Talonnant les Etats Unis en termes de leadership économique mondial, la Chine entend être le numéro des énergies renouvelables et des technologies propres. Il suffit de voir quel impact a ce pays sur le marché des panneaux et composants solaires pour prendre la mesure de cette ambition. Pour les dirigeants chinois il ne s’agit pas simplement d’une compétition avec le rival américain. C’est un enseignement qu’ils tirent du passé et qui conditionne les projets de leur pays.

Tournant stratégique


On dit souvent que la Chine s’éveille depuis le début des années 1980 comme si ce pays n’avait jamais connu de période faste. Or, depuis la fin de l’Antiquité, et la chose est peu souvent relevée, l’ex-Empire du milieu a presque toujours été la première économie mondiale, loin devant l’Europe ou le monde méditerranéen. Et c’est parce que la Chine a raté, pour diverses raisons, le grand tournant de la révolution industrielle, qu’elle a connu le déclin durant le dix-neuvième siècle et une bonne partie du vingtième siècle. Autrement dit, Pékin ne veut pas cette fois rater le grand tournant stratégique du vingtième siècle. Ses dirigeants savent que les pays qui maîtriseront les nouvelles technologies, les énergies renouvelables et les industries qui les accompagnent seront à la pointe de l’économie planétaire. L’Histoire dira peut-être un jour si Donald Trump n’a pas entériné le déclin de l’Amérique en décidant de se retirer de l’accord de Paris.
_