Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 26 décembre 2017

La chronique du blédard : Star Wars again…

_
Le Quotidien d’Oran, jeudi 21 décembre 2017
Akram Belkaïd, Paris

Oui poto, l’histoire des gars (et maintenant des femmes !) qui se battent à coup de néons continue encore. Huitième épisode mon frère ! Donc, pour bien caler les choses, je reprends depuis la fin du dernier opus. Le sept, oui, celui qui suivait le six qui était en fait le trois dans l’ordre de diffusion. Tu n’as toujours rien compris ? Ce n’est pas grave. On reprend. Souviens-toi, c’était à la fin du septième épisode, il y a longtemps, dans une galaxie far far away... En trois dimensions, lunettes spéciales à un euro sur le nez parce qu’on a perdu celles de la dernière fois (attention aux allergies), on voit un type, de dos, au sommet d’une montagne qui surplombe l’océan. Au début du numéro huit, une fille, dont on devine qu’elle est aussi douée que lui, vient lui rendre visite. Salut monsieur Jedi, tu es tout seul ? Pourquoi te caches-tu ? Tiens, voilà, je t’ai ramené ton néon comme ça tu pourras aller te battre contre les vilains. Tu sais, les méchants qui craignent le grand remplacement et adorent écouter Alain Finkielkraut (non, elle ne dit pas ça, c’est le chroniqueur qui rajoute cette « mésidonce » -copyright l’imam vous savez qui-, à propos du philosophe désormais biker).

Bon, le problème, c’est que le gars en question (le Jedi au sommet de la montagne, pas Finkie) ne veut plus se battre. Dans sa tête, à force de regarder les dauphins et le niveau de l’eau monter à cause du réchauffement climatique, il a compris plein de choses – que le spectateur, avouons-le, a du mal à saisir, mais ce n’est pas grave – et ça l’a bien changé notre ami Luc. Il préfère rester sur l’ile pour surfer sur internet quand il y a du réseau. Et c’est normal, car il ne peut que s’inspirer d’un autre Luc, le saint, qui dit un jour « paix sur la galaxie aux hommes de bonne volonté ». Veut plus de baston le Jedi… Pas grave, la jeune fille connaît son destin, c’est à elle d’aller défier les méchants, surtout celui qui lui parle en télépathie et qui n’a pas résolu son problème d’oreilles décollées. Pendant ce temps-là, un monstre poilu, pilote à ses heures, mange des oiseaux rôtis. Leurs congénères encore vivants lui en veulent. Il a un peu de remords mais, au final, s’en moque. Oh, Aymeric ! Choubaka ne veut pas être Vegan… C’est l’un des messages principaux du huitième opus de Star Wars. Ajoutons à cela un autre fait d’importance : l’Algérie tient un petit rôle dans le film puisque des Fennecs de glace sauvent la mise aux gentils.

Soyons un peu sérieux et cessons de divulgâcher. Ces dernières années, Hollywood a un vrai problème avec ces films dits de grand spectacle. Ça cause trop et ça cogne peu. Pas assez de duels, pas assez de batailles spatiales, pas de combats interstellaires qui durent vingt minutes. Par contre, ça philosophe à tout va. Ça se prend la tête. Suis-je bon ou méchant ? La force ou le côté obscur ? Barça ou Madrid ? Et ça papote, ça s’interroge, ça introspecte (je sais, forme incorrecte mais pourquoi ne pas innover ?), ça vaticine (oui, oui, aux dernières nouvelles, ticine va bien !) et ça carbure sec du plafonnard. Bref, on se dit que les scénaristes ont lu et relu La Philo (ci di filous) pour les nuls et qu’ils ont décidé de truffer le film de références plus ou moins cachées qui feront le bonheur d’une armée de thésards désargentés.

Ceci étant, il y a tout de même un peu d’action. Des courses-poursuite galactique, des créatures venues d’ailleurs ou de nulle part et une ou deux belles scènes de combats avec des néons dont on aurait aimé qu’elles durent tout le film, surtout celle où un méchant armé d’un marteau et d’un piolet… Non ! N’insistez pas, je ne divulgâcherai pas.

Le problème, c’est qu’à chaque fois le bla-bla revient vite ou alors, pire encore, la prise de tête à propos du défi technique. Dans Star Wars, comme dans tous les Marvell ou les autres films de super-héros aux super-pouvoirs, il y a sans cesse un charabia technologique dont le spectateur – qui commence à avoir mal aux genoux, c’est mauvais signe – ne pige que pouic. Mais là aussi, c’est une évolution intéressante. Dans ces films, le héros n’est rien par lui-même. Il lui faut aussi faire face à un problème technologique (du genre, « attention, la subconnectivité met en danger le superphaseur à trinitrons ! ») qu’il ne peut résoudre seul.

Plus intéressant encore, le ou les héros sont intrinsèquement plus faibles que l’ennemi. Ils ne peuvent pas vaincre grâce à leurs seuls néons, leur seule force ou à leurs pouvoirs. Il leur faut plus. Il leur faut ce que l’adversaire n’a pas : une conscience, une fierté, une solidarité humaine, de l’espoir ou un esprit de sacrifice. Et tout cela ne les fait l’emporter que de justesse. On dirait ainsi que Hollywood prend acte de la faiblesse (relative, n’exagérons rien) des Etats Unis. Les ennemis dans les films, autrement dit, dans le monde réel, la Chine, la Corée du Nord ou même la Russie, sont perçus comme des pays plus puissants que l’Amérique et capables donc de la mettre à terre. Alors, pour gagner les guerres qui s’annoncent – pardon, je corrige pour ne pas être accusé de verser dans un pessimisme inutile : pour gagner les guerres qui pourraient venir, l’Amérique est invitée par le cinéma à puiser dans les ressources de l’âme pour dompter le feu technologique. Darth Vader – que des zozos monolingues ont, hélas, traduit en Dark Vador – n’est plus là depuis longtemps mais d’autres forces l’ont remplacé. Et Star Wars numéro huit nous dit que la victoire passe par un retour aux sources. Make the force great again…






1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci, j’ai bien ri/souri en lisant votre chronique. Mais, à l’instar des héros rongés par le doute, je me demande maintenant si j’ai vraiment envie de voir ce film.
Que la force soit avec vous.

Michel