Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 1 janvier 2018

La chronique du blédard : 2017

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 28 décembre 2017
Akram Belkaïd, Paris

A chaque fin d’année, sa rétrospective et ses bêtisiers. Il y a quelques jours, une amie m’a demandé quels étaient les événements qui m’ont semblé importants en 2017. Voici, résumé et corrigé, ce que fut le fruit de ma réflexion à ce sujet. L’année qui se termine restera d’abord marquée par l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la république française. Ce fut la victoire d’un novice en politique, quasi-inconnu des électeurs un an à peine avant le rendez-vous électoral, jeune, bien plus jeune que le reste du personnel politique. Je l’ai déjà écrit mais il n’y a aucun problème à se répéter : la victoire de Macron a totalement déstabilisé l’échiquier politique français. On voit bien que ce dernier peine à se recomposer et que toutes sortes d’alliances ou de trahisons sont possibles. La décantation prendra du temps. Mais une chose est certaine, ce ne sont pas les plus démunis ni les couches populaires qui bénéficieront du mandat macron… En somme, et pour faire court, un gouvernement de riches pour les riches.

Pour ce qui me concerne, ce n’est pas tant cette élection qui restera marquante mais bien ce qui s’est joué entre les deux tours. On se souvient que Marine Le Pen, comme son père, s’était qualifiée pour le round final. Nombre d’opposants à Macron ont alors décidé de ne pas aller voter, fustigeant ou moquant celles et ceux qui se préparaient à faire un choix par défaut. Ces derniers, il faut le dire aussi, n’étaient pas en reste et ont vertement critiqué les abstentionnistes du second tour. Pour ma part, ce fut un moment douloureux. La désinvolture – notamment de certains gens de gauche - face au risque Le Pen, aussi minime fut-il, a été très instructive. Une leçon pour l’avenir… Extrait d’une chronique qui fit grand bruit à l’époque (et à laquelle je ne changerai rien aujourd’hui) : « Et quand ils [les amis abstentionnistes] me demandent pourquoi je vais tout de même me déplacer aux urnes pour faire obstacle à Le Pen, je réponds qu’il est bien plus facile de finasser et d’avoir des états d’âmes quand on s’appelle Jean-Luc, Clémentine, Charlotte ou Alexis que lorsqu’on se prénomme Karim, Ousmane, Jacob, Latifa, Rachel ou Aminata. Contrairement à celles et ceux qui relativisent la menace frontiste – et qui estiment pouvoir se passer de voter -, ces derniers savent que le Front national au pouvoir représente pour eux, via nombre de ses électeurs et sympathisants, une menace physique immédiate. Et cela suffit comme raison pour s’y opposer. » (1)

L’actualité, c’est aussi et surtout le Proche-Orient. Donald Trump n’en finit pas d’empiler les bûches et les explosifs qui préparent une nouvelle déflagration de grande ampleur. L’Iran est dans la ligne de mire de cette administration atypique, où tous les pouvoirs ou presque sont concentrés (nombre d’ambassades américaines, et non des moindres, attendent toujours leur premier locataire). De même, et ce n’est pas une surprise, la Maison Blanche vient de mettre fin à plusieurs décennies d’hypocrisie et de fausse impartialité en prenant le parti d’Israël en ce qui concerne le statut de Jérusalem et donc les contours, s’il venait à exister (ce qui est loin d’être gagné), du futur Etat palestinien. En 2018, Trump et ses alliés chercheront à faire plier une Autorité palestinienne (si peu farouche) en lui vendant un « plan de paix » qui mènera, au mieux, à la création de bantoustans plutôt qu’un Etat souverain.

La nouveauté au Proche-Orient, c’est tout de même l’activisme débridé de l’Arabie saoudite ou, plutôt du prince héritier Mohamed Ben Salman dit « MBS ». Avec lui, ça part dans tous les sens et presque jamais pour le meilleur. Poursuite de la guerre au Yémen (silence honteux et complice des Occidentaux qui essaient vaille que vaille de justifier cette horreur), séquestration de personnalités saoudiennes fortunées au nom d’une soudaine lutte contre la corruption (en réalité, une extorsion de fonds) et même d’un premier ministre étranger, en l’occurrence celui du Liban, obligé de lire une lettre de démission (oubliée sitôt rentré chez lui). Activisme débridé donc, mais à la fois brutal, brouillon et inconséquent comme en témoigne cette volonté d’obliger les Palestiniens du Liban à créer des milices capables de s’opposer au Hezbollah... (2) Où va l’Arabie saoudite ? Question cruciale pour 2018.

Fait-il parler de l’Algérie dans cette courte rétrospective. Oui et non. Non, parce qu’il ne s’y passe rien de fondamental, ou presque. D’année en année, le même constat, le même accablement, la même attente que les choses bougent enfin dans le bon sens. Oui, parce qu’il s’y est tout de même passé deux choses importantes. D’abord, la chasse aux migrants. Une honte. Une douleur aigue et la marque de la fin définitive d’une époque. Ensuite, le bouillonnement qui s’empare jour après jour de la Kabylie. Comment ne pas être inquiet ? Les unions sacrées sur fond de contestation identitaire pouvaient fonctionner par le passé et être « gérées » sans trop de problèmes. Par les temps qui courent, au vu du contexte régional et international, ce genre d’outil est non seulement désuet mais dangereux. C’est tout simplement une boîte de pandore.

Impossible enfin de terminer ce texte sans parler (un peu) de football. 2017, ce fut la « remontada » du Barça contre le PSG (6 buts à 1 après un pitoyable 0-4 au Parc des princes). Disons simplement que ce fut l’un des rares bons moments procurés par le ballon rond. Le foot est de moins en moins agréable à suivre mais ce sera le moindre des tracas pour 2018.

(1) « La chronique du blédard : Voter Macron ? Oui, hélas… », Le Quotidien d’Oran, jeudi 27 avril 2017.
(2) « Why Saad Hariri Had That Strange Sojourn in Saudi Arabia », Anne Barnard et Maria Abi-Habib, New York Times, 24 décembre 2017

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