Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mercredi 17 janvier 2018

La chronique économique : Obsolescence programmée

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 10 janvier 2018
Akram Belkaïd, Paris

Un réfrigérateur, plutôt neuf, qui tombe soudain en panne. Une imprimante, neuve elle aussi, qui ne fonctionne plus et que l’on ne peut pas réparer. Une cartouche d’encre à moitié pleine mais que l’on ne peut plus utiliser. Un téléphone portable dont la batterie lâche sans crier gare… Les exemples sont nombreux et ils témoignent d’une donne qui n’est certes pas nouvelle (elle remonte aux premiers temps de la société de consommation) mais qui a tendance à s’amplifier. Il s’agit de l’obsolescence programmée, autrement dit de la manière dont les fabricants font en sorte que tel ou tel de leurs produits ait une durée de vie limitée. Le but est évident : doper les ventes en poussant le consommateur à opter pour une solution de remplacement.

Société de consommation

Mais les fabricants ont poussé le bouchon trop loin. En France comme aux Etats-Unis d’Amérique, des enquêtes ou des procédures collectives de consommateurs visent des sociétés comme Apple ou Epson. A chaque fois, c’est le soupçon d’une stratégie délibérée d’obsolescence qui justifie ces actions. Bien entendu, les concernés se défendent d’une telle intention. Apple, par exemple, admet bien (c’est une première) que ses mises à jour peuvent ralentir les anciennes versions de ses iphones. Mais, selon la firme américaine, ce serait pour « augmenter leur durée de vie » en raison d’une plus forte sollicitation des batteries au lithium. On est prié de ne pas rire…

L’obsolescence programmée témoigne de l’emballement de la société de consommation mais aussi du capitalisme. Pour soutenir le cours en Bourse de leurs actions, nombre de sociétés technologiques sont obligées de présenter de nouveaux produits chaque année. Et pour les vendre, il faut déprécier les plus anciens (et tant pis pour l’environnement car ce petit jeu fait exploser les quantités de déchets technologiques). Ces entreprises peuvent aussi parier sur l’effet mode en faisant en sorte de ringardiser les vieux modèles. Mais, face aux résistances des consommateurs, à leur attachement à leur modèle ou bien encore à leur volonté de faire des économies, c’est la technologie « négative » qui entre en jeu, celle qui réduit la durée d’utilisation des objets. Et l’affaire prend une tournure encore plus scandaleuse quand ces mêmes firmes s’arrangent pour garder un monopole sur les réparations et les facturer à prix presqu’égal à celui du renouvellement. Toute personne ayant possédé un Smartphone dont la batterie ne fonctionne plus comprendra aisément ce qui précède…

Un délit


Vendre un produit, autre qu’alimentaire ou pharmaceutique, dont la durée de vie est délibérément limitée devrait être considéré comme étant un délit. C’est une vraie atteinte aux droits du consommateur. Pour l’heure, le lobbying des firmes concernées demeure efficace et il n’y a pas encore eu de condamnation qui pourrait faire jurisprudence. Dans cette affaire, c’est donc le comportement de l’acheteur qui pourrait faire la différence. Certains l’ont compris, qui refusent, par exemple, les mises à jours de leurs téléphones ou de leurs ordinateurs (ce qui parfois les expose à de vrais risques de sécurité informatique). D’autres, recherchent les produits de fabricants plus respectueux (il en existe), ou au moins ceux qui permettent l’émergence d’un marché ouvert pour la réparation des objets qu’ils commercialisent. L’autre piste consiste à ne louer que le service offert par un produit sans avoir à l’acquérir. Cela ne répond pas à tous les besoins mais cela diminue le nombre d’achats nécessaire. On peut enfin décider qu’il est temps de soutenir les mouvements de décroissance ou de croissance contrôlée en acceptant de ne pas être à la page avec du matériel ancien.
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