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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

dimanche 20 mai 2018

La chronique du blédard : L’Iran, la prochaine cible

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 10 mai 2018
Akram Belkaïd, Paris

Le monde est tel que les Etats Unis veulent qu’il soit. Cette affirmation peut paraître exagérée et semble vouloir disculper la responsabilité d’autres grandes nations mais les récents développements du dossier du nucléaire iranien viennent de nous rappeler que l’Amérique fait souvent ce qui lui plait, quand cela lui plait, et que c’est l’ensemble de la planète qui doit en subir les conséquences. Ce fut déjà relevé quand le président Donald Trump a décidé de manière unilatérale que son pays sortirait de l’accord de Paris sur le climat. Bien sûr, cet accord suit toujours son chemin, vaille que vaille, mais sa portée est clairement réduite avec le retrait de l’un des premiers pollueurs mondiaux.

Aujourd’hui, Trump vient de saboter ce que l’on pensait être l’un des rares points diplomatiques positifs de la décennie en cours. En 2015, après des mois de négociations secrètes, d’incertitudes et de tensions, les Etats Unis s’engageaient dans un accord historique avec l’Iran. Pour une fois, Américains, Russes, Chinois et les autres (Français, Britanniques et Allemands) parlaient d’une même voix. Même s’il convient de garder à l’esprit qu’il fut aussi le président de la guerre à outrance par l’usage de drônes (bien plus que son prédécesseur George W. Bush), cet accord de juillet 2015 fut l’une des réussites d’Obama (on notera aussi que la décision américaine de ne pas intervenir contre le régime d’Assad en fut aussi le prix à payer).

Avec Trump, revient l’air de la guerre. Non seulement son pays se retire de l’accord sur le nucléaire iranien mais toute entreprise, qu’elle soit européenne, africaine ou autre, sera punie par Washington si elle mène des affaires en dollars avec l’Iran. Pourquoi ? Parce que c’est ainsi. C’est la loi du plus fort, le véritable ordre international. La guerre donc. On dira que cette dernière est bien installée dans la région. Que ce qui se passe en Syrie est déjà une calamité et que l’on n’a pas fini de payer les conséquences de ce drame. C’est vrai. Mais que dire de ce qui se profile ? La décision de Trump ne casse pas simplement un accord tout en empêchant des entreprises non-américaines de faire des affaires en Iran. Elle ouvre la voie à un conflit de plus grande dimension. « Il veut sa guerre » disent nombre de journalistes spécialistes des Etats Unis à propos de Trump. De son bureau ovale, le locataire de la Maison Blanche semble penser qu’un conflit se mène aussi facilement que d’envoyer un message sur les réseaux sociaux. Bush croyait que les soldats américains seraient accueillis avec des fleurs à Bagdad et Saddam Hussein pensait vaincre l’Iran en quelques mois. Dans les deux cas, la suite est connue…

La remise en cause de l’accord de juillet 2015 par les Etats Unis crée les conditions propices à un « contexte de guerre ». Avant d’attaquer l’Iran, directement ou par le biais de ses alliés dans la région, les Etats Unis vont alimenter les tensions avec Téhéran. Il y aura des incidents, des menaces et des représailles. La propagande qui fonctionne à plein régime grâce aux lobbies saoudien et israélien va inonder le monde d’informations sur les crimes du régime des Mollahs, sur sa dangerosité, sur sa capacité à détruire ses voisins et, bien sûr, sur sa responsabilité en matière de terrorisme. Les habituelles personnalités médiatiques vont squatter colonnes de journaux et plateaux de télévision pour expliquer à quel point l’Iran est dangereux pour la paix mondiale. On connaît les mécanismes. Une partie de l’opinion publique renâclera mais le ventre mou, comme à son habitude, laissera faire.

En 2019, cela fera quarante ans que l’Iran est mis au ban de la communauté international. Cet immense pays dont les assises reposent sur une base civilisationnelle vieille de plusieurs milliers d’années, est quasiment interdit de développement par les Etats Unis et leurs alliés du Golfe. Car ce qui se joue actuellement ne concerne pas que le dossier du nucléaire. Comme le dit un jour Jacques Chirac, avant de se reprendre très vite, personne ne peut croire que la République islamique puisse prendre le risque de bombarder Israël, qui est une puissance nucléaire à qui personne ne demande des comptes sur ce sujet. Le régime iranien est détestable mais ceux qui le dirigent ne sont pas fous. Ils savent que la moindre attaque contre l’Etat hébreu, qu’elle soit conventionnelle ou non, sera payée au centuple.

En réalité, dans le drame qui se déroule devant nos yeux, c’est la mise à genou définitive de l’Iran qui est en train de se jouer. Il ne s’agit pas de verser dans la théorie du complot car le constat est là. Depuis 2003, et son invasion par les Etats Unis et leurs alliés sous des prétextes fallacieux, l’Irak est un pays à la dérive, divisé, incapable de peser sur le plan régional. La Syrie est un gigantesque charnier à ciel ouvert et son gouvernement, comme ses forces rebelles, ne survivent que grâce au bon vouloir de puissances étrangères. Reste l’Iran, le « vrai » poids lourd potentiel du Moyen Orient. Une population nombreuse, jeune et éduquée. Un territoire vaste, des ressources énergétiques et hydrauliques sans oublier le plus important : un mouvement fort en faveur du changement. A Washington, comme à Riyad ou à Tel Aviv, l’objectif est clair et affiché : l’Iran ne peut être « la » puissance régionale. Et ce n’est pas simplement qu’une question de régime. Avec ou sans les mollahs au pouvoir, ce pays est destiné à être mis au pas, affaibli et amoindri.


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